Brève n° 24
Jean-Claude Milner dixit
« Les vrais magiciens sont ceux qui savent le latin et le grec »
Dépêche AFP du 31 octobre 2007
Le
linguiste et philosophe Jean-Claude Milner estime que Harry Potter est
"profondément politique et qu’il parle de l’Angleterre
d’aujourd’hui", dans un entretien au quotidien Libération publié vendredi,
jour de la sortie en France du 7e et dernier opus de la saga.
PARIS
(AFP) - "En le lisant, on a le sentiment que J.K.Rowling considère, comme
beaucoup d’Anglais cultivés, qu’il y a eu une vraie révolution thatchérienne,
catastrophique et que la seule possiblité désormais pour la culture est de
survivre dans un monde occulte", écrit Jean-Claude Milner.
Faisant
des parallèles entre Poudlard, l’école des sorciers, et le modèle des public
schools britanniques comme Eton, le philosophe explique aussi par exemple que
l’oncle et la tante d’Harry, des "moldus (ndlr : non sorciers) par
excellence, vivent comme les héros du monde de Margaret Thatcher, dans un
quartier propret où toutes les maisons se ressemblent".
"Or
l’Angleterre contemporaine est le monde où les Moldus ont pris le pouvoir, avec
Margaret Thatcher, puis Tony Blair", poursuit-il.
Jean-Claude
Milner explique que "si Harry Potter a un tel succès chez les adultes et
pas seulement chez les enfants, c’est sans doute parce que les Anglo-Saxons et
tous ceux qui sont touchés par la mondialisation y perçoivent -consciemment ou
non- une machine de guerre contre les interprétations marchandes du système
démocratique".
Comparant
le sorcier Voldemort à un super "spin-doctor" (ndlr :
conseillers en communicalitique), le philosophe estime que "les
vrais magiciens, ce ne sont pas les spin-doctors de Tony Blair, mais ceux qui
savent le latin et le grec".
P.-S.
Jean-Claude Milner vu par Wikipédia :
Jean-Claude
Milner est un linguiste, philosophe, écrivain et penseur français. Né en 1941 à
Paris, où il réside, d’un père immigré juif de Lituanie et d’une mère
alsacienne de tradition protestante. Il est célibataire, sans enfant. Sa sœur
est Judith Milner.
Il
a poursuivi ses études à Paris (élève en khâgne au lycée Henri-IV), puis est
entré à l’École Normale supérieure de la Rue d’Ulm en 1960, où il suit
notamment l’enseignement de Louis Althusser. Il est alors secrétaire du Cercle
d’Epistémologie de l’ENS. Affilié au mouvement maoïste de la Gauche
Prolétarienne de 1968 à 1971, il y côtoie Jacques-Alain Miller, en compagnie
duquel il fera la connaissance de Jacques Lacan. Autre compagnonnage
déterminant : celui de Benny Lévy, sans doute une des figures de ce que
Jean-Claude Milner appellera plus tard le "Juif de savoir". À noter
enfin les enseignements de Roland Barthes et de Roman Jakobson. À chacune de
ces rencontres déterminantes peut être associé un ou plusieurs livres de cet
auteur érudit, en même temps exigeant et prolifique, au goût pour le paradoxe
et la provocation. Sa déclaration tonitruante sur l’ouvrage de Pierre Bourdieu
Les héritiers ("un ouvrage antisémite", France-Culture, 13.01.2007) a
occulté du public cultivé un effort de réflexion et d’ "agitation"
poursuivi de longue date avec rigueur et sans concessions : on lui doit
notamment une dénonciation argumentée de la position de "naïf" prise
par Noam Chomsky vis-à-vis du révisionnisme (cf. Ordres et raisons de langue).
Jean-Claude
Milner a effectué une partie de ses études aux États-Unis, se formant au
Massachusetts Institute of Technology à la linguistique chomskienne ; on
lui doit la traduction française en 1971 des "Aspects de la théorie
syntaxique" de Noam Chomsky, traduction qui établit la terminologie de
l’école française de grammaire générative et contribua fortement à la réception
de cette théorie en France. Sa carrière académique s’est déroulée à
l’Université Paris VII où il a enseigné la linguistique dans le département de
linguistique créé sous l’impulsion d’ Antoine Culioli, son directeur de thèse
de doctorat. De la fréquentation d’Antoine Culioli, Jean-Claude Milner retire
un intérêt pour la question de la détermination et de l’articulation du sens et
de la syntaxe. Son ouvrage "Introduction à une science du langage"
(1989) fonde un projet de linguistique générale reposant sur une séparation
radicale entre le sens et la syntaxe (théorie des positions syntaxiques) et une
épistémologie combinant les apports de Karl Popper et Imre Lakatos. Jean-Claude
Milner a suivi les développements ultérieurs de la théorie chomskienne, sans
toutefois abonder dans l’hypothèse d’une justification biologique défendue par
Chomsky.
Professeur à l’ Université Paris VII,
Jean-Claude Milner a également participé aux travaux de l’ École freudienne de
Paris ; il fut Président du Collège International de Philosophie.
DATE DE PUBLICATION EN LIGNE : 31 octobre 2007