Brève n° 105
Aperçu d’un conflit linguistique aux marches de la Grèce
Vous avez dit Macédoine ?
Ancienne
république yougoslave de Macédoine (ARYM / FYROM), République de Macédoine,
Macédoine, Vardarie, Macédoslavie, Macédoslavonie, Nouvelle Macédoine, Slavomacédoine…
Le Courrier
des Balkans (balkans.courriers.info) propose la traduction par Marija
Nikolova d’un article de l’Utrinski Vesnik : "Conflit du nom :
les USA se rapprochent de la Grèce, pressions sur la Macédoine" du 27 août
2008, mise en ligne le samedi 30 août 2008.
Vent
de panique en Macédoine. Un analyste bien informé affirme que les Etats-Unis et
la Grèce auraient conclu un accord secret sur le conflit du nom. Athènes et
Washington démentent. Mais le crédit donné à l’information témoigne d’un
fait : les Macédoniens craignent de plus en plus de se faire doubler dans
la résolution du litige qui les oppose à la Grèce.
Aperçoit-on enfin le bout du tunnel pour le
conflit nominal gréco-macédonien ? Plusieurs événements récents laissent
penser que l’on pourrait assister à un dénouement rapide du litige.
Sam Vaknin, un analyste israélien bien informé
sur la Macédoine, ancien conseiller de Nikola Gruevski, a jeté un pavé dans la
mare le 26 août. Sur le site de l’International Analyst Network, il affirme que
la secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice présentera le 23 septembre à
New York un plan de résolution du conflit nominal en présence des ministres des
Affaires étrangères grec et macédonien. Selon Sam Vaknin, ce plan serait le
fruit de discussions entre la Grèce et les Etats-Unis. Des discussions dont le
gouvernement macédonien « pourrait n’être même pas au courant ».
L’analyste affirme que ledit plan sera présenté le lendemain au Conseil de
Sécurité des Nations Unies. Les affirmations fracassantes de Sam Vaknin
pourraient s’avérer fausses. Mais elles abondent dans le sens d’hypothèses qui
courent actuellement, selon lesquelles le Conseil de Sécurité pourrait
prochainement mettre fin à la mission du médiateur Matthew Nimetz, suspendre
les négociations et adopter une nouvelle résolution. Celle-ci se substituerait
à l’actuelle Résolution 817, qui prévoit que le conflit soit réglé par des
négociations directes entre Athènes et Skopje. Lors de sa dernière visite à
Skopje, Matthew Nimetz lui-même a présenté de l’Assemblée générale de l’ONU qui
se tiendra en septembre comme un forum où des conflits peuvent être résolus.
Selon Sam Vaknin, le « plan secret
gréco-américain » comprendrait cinq points :
·
la République de Macédoine transformera son
nom constitutionnel (probablement pour devenir la « Macédoine du
Nord », bien que cela n’ait pas encore été décidé) ;
·
la Macédoine disposera d’une période de
transition (jusqu’à dix ans, selon certaines sources ), pendant laquelle elle
devra amender sa Constitution et mettre à jour sa dénomination dans les
différentes organisations internationales dont elle fait partie ;
·
la Macédoine recevra une invitation d’entrée à
l’OTAN (mais pas de date d’ouverture des négociations avec l’Union
européenne) ;
·
les deux pays auront le droit d’utiliser
l’adjectif « macédonien » (dans un contexte commercial et non
commercial) ;
·
les parties renonceront à toute prétention
territoriale envers l’autre pays.
« Il semble que les Grecs aient réussi à
convaincre les Américains que l’intransigeance provient du côté macédonien et
que Skopje amasse les obstacles afin d’éviter une issue impopulaire sur le plan
politique », écrit Sam Vaknin. L’analyste souligne que « le jeune
Premier ministre macédonien, Nikola Gruevski, a essayé d’élargir la portée de
ces longues négociations en y incluant d’autres questions bilatérales, comme la
restitution des propriétés des Macédoniens expulsés de Grèce il y a plusieurs
décennies et la reconnaissance de l’Eglise orthodoxe macédonienne par son
homologue grecque ».
Sam Vaknin affirme également que « les
demandes de la Grèce sont sans précédent, tant d’un point de vue historique que
dans le droit international. Beaucoup des pays portent des variantes du même
nom (le Yémen, la Corée, l’Allemagne jusqu’en 1990, la Russie et la
Biélorussie, la Mongolie). D’autres partagent leur nom avec une région située
dans un autre pays (la Bretagne en France et la Grande-Bretagne, de l’autre
côté de la Manche ».
L’analyste avance des sources diplomatiques
(anonyme) de Washington pour soutenir que, désormais, les Etats-Unis feront
pression sur la Macédoine pour qu’elle transforme son nom constitutionnel de
manière à le rendre acceptable par la Grèce et par les puissants lobbys grecs
actifs aux Etats-Unis. « Si la persuasion ‘amicale’ ne donne pas de
résultats, écrit Vaknin, les Etats-Unis changeront de ton et pourraient menacer
de prendre des sanctions douces ».
L’adhésion européenne dans la balance
Le 26 juillet, Athènes a de nouveau lancé des
menaces à destination de Skopje. La Ministre grecque des Affaires étrangères,
Dora Bakoyannis, a annoncé que la Grèce bloquer ait l’intégration de la
Macédoine dans l’OTAN et dans l’Union européenne si Skopje refusait d’arriver à
un compromis. « La route de Skopje vers les institutions euro-atlantiques
n’est ouverte que si le conflit nominal parvient à une issue, ce fait étant le
pilier des relations de bon voisinage [entre la Grèce et la Macédoine] »,
a-t-elle déclaré durant une interview pour la chaîne de télévision grecque
Mega. Durant cette interview, la Ministre a également affirmé qu’Athènes ne
changerait rien à sa politique sur la question du nom de la Macédoine.
Les menaces de Dora Bakoyannis ne seraient pas
si graves si elles n’étaient pas proférées au moment où l’on reçoit une
convergence d’informations selon lesquelles le conflit pourrait être réglé au
détriment de la Macédoine.
Selon le quotidien grec Kathimerini du 26
juillet, le médiateur de l’ONU Matthew Nimetz serait fâché par l’attitude du
Premier ministre macédonien, Nikola Gruevski, qui aurait refusé tous les noms
proposés pour résoudre le conflit. Le Premier ministre macédonien a de nouveau
suggéré le système dit « de la double formule » (la République de
Macédoine utiliserait son nom actuel sur la plan domestique et dans ses
relations internationale, mais elle utiliserait un autre nom dans ses relations
avec la Grèce). La « double formule » est une proposition qui date de
la deuxième moitié des années 1990. Jusqu’ici, cette stratégie utilisée par
plusieurs ministres macédoniens des Affaires étrangères s’est révélée peu
efficace. Elle reposait sur l’hypothèse que le temps jouait en faveur de la
Macédoine.
D’après Kathimerini, Matthew Nimetz aurait
averti Nikola Gruevski lors de leur dernière rencontre que son obstination
pourrait mener au blocage des négociations pour six mois. Le quotidien grec
affirme également que Matthew Nimetz serait décidé à « relancer
énergiquement les négociations ». […]
DATE DE PUBLICATION EN LIGNE : 5 septembre 2008