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Brève n° 107

 

Sache quitter ton îlot

Courte élégie en hommage au poète parien Archiloque, par Guillaume Boussard

 

Poème lu, et même découvert, sur le site de la fameuse compagnie de théâtre antique "Démodocos" : http://cpta.free.fr/Page%20accueil/Grandamphitheatre/sousdossierframe/Tabledesmatieres/Guillaumeboussard/etre_soi.html

 

Être chez soi : l’entreprise d’ailleurs déroutante m’entraîne

où s’oublieront mes secrets. Labyrinthique chanson,

dont les refrains ne sauraient qu’espérer des émules,

qui peut savoir ton départ ? Qui connaîtrait l’arrivée ?

Voix qu’on voit sourdre en la trame, naufrage sauvé par des livres,

- pennes branlants d’érudits - quels instruments sont les tiens ?

 

Lui, il était à la fois serviteur du seigneur de la guerre

et connaisseur du fameux don que les Muses allouent :

Elles, un jour, ont appris au Parien les chansons magnifiques

grâce à la lyre échangée contre une vache cornue.

Moi, ne m’échoit que le doute : la Muse, aujourd’hui cérébrale,

laisse un mortel trifouiller dans l’inféconde froideur.

 

Pas de bovin riche en viande à fourguer contre un don poétique,

contre la bonne chanson, pas de richesse à donner.

Dois-je m’enfuir, comme il fit, renonçant à la figue, à la fille ?

Puis-je trouver un chemin dont le mortel soit exclu ?

Être chez soi : la musique d’une autre serait étrangère.

Rythme qui tient les humains : j’aime, je chante, je suis.

 

Le prisonnier de la tour s’est tué ce matin,

grand’mère,

il m’a semblé que j’avais du chagrin.

Il s’est jeté de la tour en me tendant les mains,

grand’mère,

nous n’irons pas à la messe demain.

 

Tel qu’on me voit, en mon brame, naufrage sauvé par tes lèvres,

tel, je connais ton amour, quand tu reprends la chanson.

 

Si le roi savait ça, Isabelle,

Isabelle, si le roi savait ça,

à la robe de dentelle, vous n’auriez plus jamais droit,

Isabelle, si le roi savait ça.

 

Le prisonnier de la tour n’aura pas de linceul,

grand’mère,

rien qu’un trou noir où s’engouffrent les feuilles

mais moi j’irai chaque jour pleurer sous les tilleuls

et rien,

même le roi n’empêchera mon deuil

 

J’ai commencé ma première colonne en chantant le distique

élégiaque ; il me faut terminer par la boîte à outils de la Muse.

 

Hémiépès féminin, masculin, dipodie d’anapestes,

asclépïades majeurs et mineurs, tripodies de dactyles,

odes, épodes, et strophes sapphiques et vers alcaïques,

vers horatiens, alcmaniens, et scazons, hipponactéens sombres,

coupe dite hephthémimère, appelée par d’aucuns bucolique,

acéphaliques et asynartètes, moignons de mesure,

 

toi, pentamètre, agacé qu’on t’affuble d’un nom si impropre,

prince des brèves, peton qu’on appelle procéleusmatique,

logaédiques et phérécratiens, et rapides tribraques,

vers d’Ibycus, glyconiens, lent spondée, et toi, noble hexamètre

dactylique, ïambique trimètre, qu’on nomme sénaire en la Ville,

coupe au trochée troisïème, expressif hïatus homérique,

ïonique mineur, ïonique majeur, et dochmie détonnante,

toi, tétramètre viril, trochaïque chéri d’Archiloque,

 

duels de savants, capillo-tractations de la nomenclature,

qui chantera vos mérites, comment susciter votre danse ?

 

Ave, césure, audituri te salutant.

Si le roi savait ça, Isabelle...

 

DATE DE PUBLICATION EN LIGNE : 5 septembre 2008

 

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