Brève n° 134
Qui est Jean-Pierre Vernant ?
La République des Lettres, 26 septembre
2008
Jean-Pierre
Vernant est né le 4 janvier 1914 à Provins (Seine-et-Marne). Son père,
directeur du journal républicain et anticlérical Le Briard, est tué au
front l’année suivante. Sa mère décède elle aussi alors qu’il n’a que huit ans.
Élevé
par sa famille, Jean-Pierre Vernant fait ses études secondaires aux lycées
Carnot et Louis-le-Grand de Paris. En 1933 il s’engage auprès des Jeunesses
Communistes. Il suit des études de philosophie à la Sorbonne et est reçu
premier à l’agrégation de philosophie en 1937. En 1939, il épouse Lida
Nahimovitch. Mobilisé dans l’infanterie au début de la Seconde Guerre mondiale,
il est promu aspirant officier et reste dans l’armée jusqu’à l’arrivée du maréchal
Pétain au pouvoir. Il s’engage alors dans la Résistance avec son frère, Jacques
Vernant, proche du philosophe Jean Cavaillès qui fonde en 1940 à
Clermont-Ferrand, avec Lucie Aubrac et Emmanuel d’Astier de la Vigerie, le
réseau « Libération-Sud ».
En
1942, tout en enseignant officiellement la philosophie au lycée Fermat de
Toulouse, Jean-Pierre Vernant est désigné chef départemental de l’Armée secrète
(AS) pour la Haute-Garonne. Il constitue bientôt dans la clandestinité un État-major
qui regroupe les membres des Corps Francs de la Libération (CFL) et des
Francs-Tireurs et Partisans (FTP). Sous le pseudonyme de « Colonel
Berthier », il devient le commandant en chef des Forces Françaises de l’Intérieur
(FFI) de la région toulousaine. Après avoir pris le maquis, il organise en 1944
le plan d’insurrection de Toulouse et participe activement à la Libération.
Après
la guerre, Jean-Pierre Vernant est nommé professeur de philosophie au lycée
Jacques Decour de Paris. Il tient parallèlement pendant deux ans la page de
politique étrangère du journal Action et occupe les fonctions de chef de
cabinet de Raymond Aubrac, commissaire de la République à Marseille. En 1948,
il abandonne l’enseignement de la philosophie pour entrer au Centre National de
la Recherche Scientifique (C.N.R.S.). Il y reste jusqu’en 1957, orientant ses
travaux vers l’anthropologie de la Grèce ancienne.
En
1958, Jean-Pierre Vernant devient Directeur d’études à l’École des Hautes Études
en Sciences Sociales (É.H.É.S.S.). Il fonde en 1964 le Centre de Recherches
Comparées sur les Sociétés Anciennes -- baptisé « Centre Louis-Gernet »,
du nom de l’un de ses principaux maîtres, helléniste et sociologue, ami de
Marcel Mauss et d’Ignace Meyerson et fondateur notamment de la psychologie
historique. Jean-Pierre Vernant dirigera ce centre jusqu’en 1985.
En
1969, il décide de quitter le Parti Communiste Français (P.C.F.), mais reste un
militant actif de tous les combats antifascistes et anticolonialistes, en
particulier lors de la guerre d’Algérie. De 1975 à 1984, il occupe la chaire
des Études comparées des religions antiques au Collège de France, dont il
deviendra professeur honoraire après son départ à la retraite en 1984.
Les
travaux de Jean-Pierre Vernant ont révolutionné la compréhension du monde grec,
éclairant la fonction du mythe dans la société et aidant à comprendre comment
était apparue la pensée occidentale rationnelle. Parmi ses nombreux ouvrages
érudits, on lui doit entre autres Les origines de la pensée grecque
(1962), Mythe et pensée chez les Grecs (1965), Mythe et société en
Grèce ancienne (1974), Religion grecque, religions antiques (1976), Religion,
histoires, raisons (1979), La Mort dans les yeux (1985), L’Individu,
la mort, l’amour (1989), Mythe et religion en Grèce ancienne (1990),
Entre mythe et politique (1996) et L’Univers, les dieux, les hommes
(1999). Il a également co-écrit plusieurs livres qui font référence avec ses
amis :
-
Pierre Vidal-Naquet (Mythe et tragédie en Grèce ancienne, 1972 ; Travail
et esclavage en Grèce ancienne, 1988 ; La Grèce ancienne, 3
tomes, 1990-1992), Œdipe et ses mythes, 1994)
-
Marcel Détienne (Les Ruses de l’intelligence, 1974, La Cuisine de
sacrifice en pays grec, 1979).
Il
a en outre dirigé de nombreux ouvrages collectifs dont L’Homme grec
(1993). Son dernier livre, La Traversée des frontières (2004), raconte
ses engagements et ses combats politiques.
Docteur
honoris causa de nombreuses grandes universités de par le monde
(Chicago, Bristol, Naples, Oxford), maintes fois honoré et décoré (Médaille d’or
du CNRS, Croix de Guerre 39/45, Grand Officier dans l’Ordre national du Mérite,
Commandeur de la Légion d’honneur, Officier des Arts et des Lettres...)
Jean-Pierre Vernant était un savant de stature internationale qui était aussi
unanimement apprécié pour ses qualités personnelles et son engagement
humaniste. Il était membre du comité de parrainage de la « Coordination
française pour la décennie de la culture de paix » et soutenait activement
l’O.N.G. « Non-Violence 21 ».
Il
est mort le 09 janvier 2007 à son domicile de Sèvres (Hauts-de-Seine), à l’âge
de 93 ans.
DATE DE PUBLICATION EN LIGNE : 4 OCTObre 2008