Brève n° 142
Qui est Pascal Quignard ?
La
République des Lettres, mardi 16 septembre 2008
Pascal
Quignard est né le 23 avril 1948 à Verneuil-sur-Avre (Eure). Son père est
proviseur de Lycée, sa mère directrice de collège. Tous deux, professeurs de
Lettres classiques, sont également musiciens amateurs et fins grammairiens.
Pascal
Quignard passe une enfance difficile au Havre, traversant des périodes
d'autisme et d'anorexie. Adolescent, il suit ses études aux lycées du Havre et
de Sèvres. Souffrant de dépression, il se réfugie dans la lecture et la
musique. Ses goûts le portent vers les littératures anciennes et ce qu'il
appellera plus tard ses « langues originaires », le latin et le grec.
En 1966, il entame des études de philosophie à la Faculté des lettres de
Nanterre où il croise Daniel Cohn-Bendit et a pour professeurs Emmanuel Levinas
et Paul Ricœur. En 1968, il décide d'abandonner son projet de thèse et quitte
la fac pour se consacrer à la littérature et à la musique.
Pascal
Quignard écrit ses premiers textes tout en exerçant pendant quelques mois le
métier de libraire bouquiniste. Il joue régulièrement pour lui-même de l'orgue
et du violoncelle. En 1969, il publie au Mercure de France son premier livre,
un essai consacré à Léopold von Sacher-Masoch intitulé L'Être du balbutiement.
Cet ouvrage remarqué par Louis-René des Forêts lui ouvre les portes des
éditions Gallimard qui lui propose un poste de lecteur. Il y travaillera
pendant vingt-cinq ans, occupant successivement des emplois de lecteur
(1969-77), Membre du Comité de lecture (1977-1994) et Secrétaire général du
service littéraire (1990-1994).
Pascal
Quignard publie parallèlement plusieurs ouvrages, romans (chez Gallimard),
essais sur des écrivains, des peintres ou des musiciens et recueil d'aphorismes
ou de textes philosophiques brefs et érudits (chez divers petits éditeurs comme
Clivages, Fata Morgana, Michel Chandeigne, Maeght et surtout Galilée qui
réédite depuis 2005 ses textes rares). Citons notamment : Alexandra de
Lycophron (1971), La Parole de la Délie (1974), Michel Deguy
(1975), Echo (1975), Sang (1976), Le Lecteur (1976, son
premier roman), Hiems (1977), Sarx (1977), Inter aerias fagos
(1977), Sur le défaut de terre (1979), Carus (1979, second roman,
Prix des Critiques 1980), Le Secret du domaine (1980), Petits traités
(tome I à VIII, Éditions Maeght, 1990, réédition en Folio), Les Tablettes de
buis d'Apronenia Avitia (1984), Le Vœu de silence (essai, 1985), Une
gêne technique à l'égard des fragments (1986), Ethelrude et Wolframm
(1986), Le Salon du Wurtemberg (1986), La Leçon de musique
(1987), Les Escaliers de Chambord (1989), La Raison (1990), Albucius
(1990, rééd., 2001), Tous les matins du monde (1991), présentation et
traduction de Sur le doigt qui montre cela de Kong-Souen Long (1990), Georges
de La Tour (1991), La Frontière (1992), Le Nom sur le bout de la
langue (1993), Le Sexe et l'effroi (1994) et L'Occupation
américaine (1994). Trois de ces livres le révèlent au grand public : Le
Salon du Wurtemberg, Les Escaliers de Chambord et surtout Tous les
matins du monde, adapté au cinéma par Alain Corneau, avec Jean-Pierre
Marielle et Gérard Depardieu dans les principaux rôles et la musique du
compositeur baroque Marin Marais en bande-son.
Parallèlement
à cette activité d'écrivain, Pascal Quignard exerce aussi diverses fonctions. Il
enseigne un temps à l'Université de Vincennes et à l'École Pratique des Hautes
Etudes en Sciences Sociales, fonde avec le soutien de François Mitterrand le
Festival d'Opéra et de Théâtre baroque de Versailles, qu'il dirige de 1990 à
1994, et préside aussi de 1990 à 1993 le Concert des Nations aux côtés de Jordi
Savall.
En
1994, peu après le décès de son père, Pascal Quignard démissionne de ses
fonctions éditoriales chez Gallimard pour se consacrer exclusivement à
l'écriture. « J'ai compris à quel point le patronyme, le fait d'entrer
dans la vie sociale, de briguer les honneurs disparaissent avec la mort du
père. Car on fait beaucoup de choses toute sa vie pour le regard de ceux qui
nous ont engendrés. Alors, avec leur retrait un certain nombre de nos ambitions
disparaissent. Je me suis forcé à enseigner, à travailler dans l'édition, à
m'occuper de musique pour jouer des rôles, car j'étais très peu doué pour la
vie collective. Or, il y a une vie plus ancienne que la vie ambitieuse ou même
amoureuse, une solitude avant la vie sociale. Aujourd'hui, plus que jamais,
c'est cette vie-là que je rejoins. Je m'extrais de la fratrie comme je me suis
extrait de la patrie », dira-t-il plus tard dans un entretien au magazine Lire.
Installé
à la campagne, Pascal Quignard écrit et continue de publier : Rhétorique
spéculative (1995), L'Amour conjugal (1995), Les Septante
(1995), La Haine de la musique (1996), Vie secrète (1998), Terrasse
à Rome (2000, Grand prix du roman de l'Académie française 2000), Dernier
royaume (tome I : Les Ombres errantes [prix Goncourt 2002] ; tome II
: Sur le jadis ; tome III : Abîmes [2002] ; tome IV : Les
Paradisiaques ; tome V : Sordidissimes [2005]), Tondo (2002),
Georges de La Tour (2005), Écrits de l'Éphémère (2005), Pour
trouver les enfers (2005), Villa Amalia, Triomphe du temps, L'Enfant au
visage de la mort et Requiem (2006), La Nuit sexuelle (2007)
et enfin Boutès (2008). Les Ombres errantes, Prix Goncourt 2002,
consacre définitivement auprès du grand public cet écrivain inclassable dont l'œuvre
est aussi couronnée par plusieurs autres grands prix littéraires : Prix de la
Société des Gens de Lettres (SGDL) 1998, Grand prix du roman de la Ville de
Paris 1998, Prix de la Fondation Prince Pierre de Monaco (2000) et Grand prix
Jean-Giono (2006).
Pascal
Quignard continue toujours d'explorer ‒ sur les traces entre autres de
ses premiers maîtres Georges Bataille, Pierre Klossowski, Emmanuel Levinas et
Maurice Blanchot ‒ l'expérience humaine avec son univers dense de liens
secrets entre langage, temps, création artistique, solitude et érotisme.
Travaillant la mémoire et la langue sur son mode électif du fragment, il puise
ses références esthétiques dans la culture gréco-latine, la peinture et la
musique classique, poursuivant avec constance un chantier littéraire et
philosophique qui forme désormais ce qu'il convient d'appeler une œuvre.
DATE DE PUBLICATION EN LIGNE : 18 OCTObre 2008