Brève n° 143
Jean Bollack
France-Culture,
« Jean Bollack avec Michel Bydlowski (rediffusion de 1995) »,
émission du lundi 7 juillet 2008
Réalisation
: Nicole Salerne et Françoise Camar
Né
en 1923 à Strasbourg au sein d’une famille juive de culture française, Jean
Bollack a suivi des études de philologie à Bâle. L’allemand est sa deuxième
langue. Il fonde à Lille, au sein de l’Université, un centre de philologie qui
bénéficie d’une renommée internationale. Il dirige un groupe de recherche sur
l’histoire sociale de la philologie à la Maison des sciences de l’Homme de
Paris. Il est l’auteur d’ouvrages qui renouvellent radicalement l’approche des
textes grecs (Empédocle, Héraclite, Parménide, Anaximandre, Épicure). Il se
consacre également, avec sa femme Mayotte, à la traduction de pièces de
théâtre. Il est aussi théoricien de la littérature (Saint John Perse, Mallarmé)
et, plus particulièrement, il s’affirme comme l’un des plus grands spécialistes
de l’œuvre de Paul Celan.
Qu’est-ce
qu’un écrit ? . Comment est-il lu ?. La lecture atteint-elle le texte ou
manque-t-elle le but ? Comment l’a-t-on fait parler; selon sa visée ou
contre elle ? Ce sont des questions qui constituent une science, que l’on
appelle philologie (au sens le plus fort), et une réflexion sur l’art de la
compréhension et du déchiffrement, appelée herméneutique, que Jean Bollack
conçoit comme une démarche critique. Il écrit : « La philologie autoréflexive,
telle que je l’ai conçue avec quelques autres, dont l’heure sans doute ne
pouvait venir qu’aujourd’hui, ne se livre qu’à elle-même, elle s’arrache à tous
les magistères, sans renoncer à les rejoindre quand il le faut. Son mode de
lecture s’interroge sur les points de vue de l’auteur, et n’a rien à voir ni
avec une lecture philosophique ou symbolique, métonymique ou allégorique, ni
non plus avec l’encyclopédisme de l’ « explication » littéraire générale, si
utile qu’elle puisse être, et qui reste par définition éclectique. La philologie
est spécifique et spéciale. Elle englobe, comme en musique et en peinture, où
les problèmes sont tout à fait comparables, les techniques de la production du
sens et l’interprétation qui leur est liée, avec l’enthousiasme de la passion,
et son dépassement, le travail de contrôle. »
«
I. Présentation du travail de Jean Bollack, exemples d’interprétations
possibles des textes d’Homère »
«
II. Étude philologique de la tragédie (Eschyle, Sophocle, Euripide) »
«
III. Paul Celan »
Bibliographie
Jean
Bollack, La Grèce de personne : les mots sous le mythe, Seuil, « L’Ordre
philosophique », 1997 (recueil de textes de ce spécialiste de la Grèce)
Jean
Bollack, Sens contre sens : entretien avec Patrick Llored, La Passe du
vent, 2000
J’accueille
le lecteur avec un plaisir intense, puisque il s’agit dans mon livre de lecture
: je fais de lui un pro, que j’initierais à un métier peut-être inconnu. Ce jeu
dialogué a comme sous-titre : « Comment lit-on ? » On pourrait aussi
bien se demander : « Comment boit-on ? » Chacun lit évidemment comme
il veut et peut. Mais comme j’ai passé ma vie à me convaincre qu’une grande
partie de la tradition livresque restait à découvrir, j’ai pris le parti de
réfléchir avec mes lecteurs, avertis ou non, sur ce qu’il faut faire, étant
donné les raccourcis qui nous trompent et nous détournent, pour accéder aux
trouvailles surprenantes faites dans le domaine de la lettre. De tout temps, au
moyen de significations constituées, des auteurs ont inventé leurs distances ;
dans la tradition, ces significations ont pu vivre, et souvent être étouffées.
On combat la censure rien qu’en s’accrochant à un sens. Ne croyait-on pas
savoir qui était Oedipe ou Antigone ? On apprend qu’ils n’était pas ce qu’on
avait cru. Je dédie mes réponses à tous ceux qui veulent savoir comment la
déperdition s’est accomplie au cours des âges. (4e de couverture)
Jean
Bollack, Christian Jambet, Abdelwahab Meddeb, La conférence de Ratisbonne :
enjeux et controverses, Bayard, « Études et essais », 2007
Le
12 septembre 2006, Benoît XVI prononce à l’université de Ratisbonne une
conférence savante et subtile qui déclenche dans le monde musulman de violentes
réactions. Par retour, l’affaire soulève de virulentes attaques contre l’islam
et le Coran. Le malentendu engendre la caricature et déchaîne l’ignorance. Il
était dès lors urgent de revenir sur le texte pontifical, et d’en étudier
posément le contexte historique et philosophique. Les trois auteurs rappellent
avec force le motif principal de la leçon du pape : la défense du logos et de
l’unité de la raison, aux origines de notre histoire philosophique et
religieuse, doit de nouveau servir pour le dialogue entre les cultures. Parmi
les enjeux fondamentaux, se reconnaît la possibilité de partager par la
médiation grecque l’identité d’un logos vers lequel convergeraient chrétienté
et islam. Encore faut-il réveiller le conflit des interprétations au sein des
traditions elles-mêmes pour contrer la violence faite à la notion de Dieu et
aux textes sacrés qui la mettent en scène. Nous publions en annexe la
traduction inédite en français d’une lettre que trente-huit oulémas de
différents pays musulmans ont adressée à Benoît XVI en réponse à sa conférence
(traduction de l’arabe assurée par François Clément, de l’université de
Nantes). (4e de couverture)
Sophocle,
Œdipe roi, traduit du grec ancien par Jean et Mayotte Bollack, Minuit,
1985
Il
n’y a pas d’œuvre dans la conscience universelle qui ne soit plus forte qu’Œdipe
roi. Quand je traduis l’une de ces pièces, je suis placé devant deux choses
: d’une part la situation dans laquelle est quelqu’un qui a écrit, étant
lui-même placé dans une tradition par rapport à laquelle il prend ses distances
; et d’autre part, tout ce que l’on a fait, depuis, de cette œuvre. La
reconstruction du moment où quelqu’un a écrit est au centre de ce que je fais.
Et je détache cela très nettement de l’utilisation qu’on a pu faire de ses
œuvres. Je prends le parti de celui qui écrit, de la situation qu’il a lui-même
vécue et de sa façon de transformer une situation culturelle dont il a hérité.
Je suis donc toujours en face d’une chose dont je peux parler directement. Mais
il me faut aussi tenir compte de ce que les gens me disent : pour certaines
phrases d’une pièce comme Œdipe roi, il y a huit ou dix interprétations
très marquées, reconnaissables. Ce que je cherche, c’est le passage à une forme
d’explication du sens, à son expression forte, immédiate, qui laisse entière la
rudesse du texte. (4e de couverture)
Euripide,
Les Bacchantes, traduit du grec ancien par Jean et Mayotte Bollack,
Minuit, 8 janvier 2005
Dionysos
est là. Il arrive depuis toujours. Il vient d’ailleurs, mais il est partout;
c’est qu’il est le dieu du théâtre. La tragédie qu’il met en place sera plus
tragique qu’une autre, puisqu’il s’agit de lui. Il lui faut un homme qui lui
résiste, à qui il puisse faire la chasse pour le prendre dans les filets du
délire. Les Bacchantes sont la pièce du délire qui finit mal. Ce n’est pas
l’auteur et ce qu’il a pensé qu’on cherchera, ni en deçà de lui, la langue et
son rythme. L’athée s’est-il converti? Peu nous chaut. Au théâtre le poète est
masqué, sous les masques de ses personnages. La vigueur de la mise en
perspective dépend de sa discrétion. Telle est la règle de l’objectivité
scénique. L’auteur ne délivre pas de message. La victime n’apporte pas de
salut. La fête n’en répand pas moins ses lumières et ses fastes, ses
fantasmagories, ses jeux de cirque, ses bouffonneries et ses horreurs.
L’initiation culturelle des mystères dionysiaques s’y est faite initiation
théâtrale. La gloire est toujours douce, dira-t-on, même pour le dieu. Toute
arme est bonne pour gagner, surtout celle de la dévotion. (4e de
couverture)
Euripide,
Hélène, traduit du grec ancien par Jean et Mayotte Bollack, Minuit, 1997
Hélène,
la plus belle des femmes, promise à un prince d’Orient par la déesse de
l’amour, a été dédoublée par une déesse rivale. C’est son fantôme qui s’est
enfui avec Pâris, qui a provoqué la guerre de Troie, qui est retourné ensuite
auprès de Ménélas. La vraie Hélène a été transportée par Hermès sur les bords
du Nil, à la cour du roi Protée. Son fils Théoclymène, qui lui a succédé, veut
l’épouser. Mais voici que Ménélas fait naufrage sur ces rives et découvre cette
femme inconnue qui est la sienne. Il saura la ramener à Sparte avec la
complicité de la soeur du roi, Théonoé, et des frères d’Hélène, les
Dioscures.La traduction repose sur une révision en profondeur du texte grec. La
signification de chaque vers est replacée dans l’élan du discours original
avant d’être transférée dans l’espace de notre entendement contemporain. (4e
de couverture)
Euripide,
Andromaque, traduit du grec ancien par Jean et Mayotte Bollack, Minuit,
1994
Il
fallait que fût prise en juillet 1994 la décision de reprendre et de
représenter à la scène, à Athènes et au Festival d’Avignon, l’Andromaque
d’Euripide en français pour que fût redécouverte une pièce magnifique, mais
aussi pour que se fît sentir le besoin d’en restituer la force dans une langue
moderne qui doit beaucoup moins à la nécessité d’une actualisation qu’à la
reconnaissance de la modernité d’une œuvre d’art et à la nouveauté d’Euripide.
C’est cet auteur d’abord, qui fut une fois vraiment nouveau, et qui le reste,
dans la radicalité de ses points de vue et de leur expression théâtrale. La
langue de la traduction a cherché à saisir, comme dans Iphigénie à Aulis, la
fraîcheur, l’immédiateté et la dureté du grec. Il faut d’abord s’abstenir et
rejeter, renoncer aux modes et à la manière de la tradition humaniste et
scolaire, pour ouvrir l’accès ; et ensuite il faut considérer en résistant aux
attentes de la langue d’accueil, le sens si souvent inattendu, qu’on n’atteint
que par les savoirs spécialisés et en se libérant d’eux. L’invention de la
pièce en français est tout entière dans la langue, comme elle l’était en grec ;
elle repose sur une tension jamais abolie entre ce que l’on comprend, et qu’il
faudrait pouvoir dire, et les équivalences de la traduction. (4e de
couverture)
Euripide,
Iphigénie à Aulis, traduit du grec ancien par Jean et Mayotte Bollack,
Minuit, 1990
À
Aulis, dans l’impasse où l’armée attend de partir pour une guerre à venir,
Iphigénie est prise au piège d’un mariage qui masque sa mort. Le sujet de l’Orestie
est traité une nouvelle et comme une dernière fois dans cette œuvre posthume
d’Euripide dont la simplicité tire son pathétique des langages empruntés. Le
mythe du sacrifice, le prix à payer, fournit le cadre, il ne fait pas
l’intrigue. La théâtralisation s’autonomise, elle invente, elle entraîne le
tragique dans l’expérience de la fatalité démythifiée des situations. La vérité
est dans la tension, qui fait l’échec plus cruel d’avoir affronté une
résistance factice. Les personnages tournent autour d’une nécessité qui les
domine d’autant plus impérieusement que la matière héroïque se confond
désormais avec leurs intérêts profonds. Lorsque l’événement fatal a lieu, la
victime elle-même se met en scène. Son destin est joué, représenté comme un
produit de l’art, au même titre que les stratagèmes des protagonistes pour ruser
avec l’histoire. Le texte de la pièce de Iphigénie à Aulis a été
restitué par Jean et Mayotte Bollack contre les nombreuses corrections de la
tradition qui la défigurent. Ce sont des lectures inédites qu’on lira ici. La
traduction s’est proposée de rendre au théâtre et à la modernité une œuvre
qu’il faut disputer à l’académisme et dont les représentations au théâtre du
Soleil (1990-1991) ont montré l’actualité. (présentation de l’éditeur)
Sophocle,
Électre, traduit du grec ancien par Jean et Mayotte Bollack, Minuit, «
Théâtre », 2007
Électre
a choisi la mémoire ; la vision de son père assassiné ne la quitte pas. La vie
à laquelle s’accroche Clytemnestre, la mère meurtrière, lui est insupportable.
Elle défend une cause juste, mais le nom de justicière ne lui revient pas. Elle
se débat dans l’illusion d’une action qui ne débouche sur rien ; elle s’épuise
sur un fond de néant. Son antagoniste est plus forte et paraît d’abord
l’emporter, quand le dieu l’exauce en la trompant et que l’on annonce la mort d’Oreste,
l’héritier redouté.Le plan de vengeance d’Oreste, soutenu par Apollon, se passe
d’Électre, comme si l’intrigue se dédoublait, et que le droit formel relayait
ou supplantait le droit naturel, qui amène Électre, la délirante, à
transgresser toute limite.La pièce se termine par une double exécution, les
meurtres de Clytemnestre et d’Égisthe, mais la condamnation du parricide des
enfants d’Agamemnon n’est jamais exprimée. Elle se poursuit tout au long de la
pièce dans l’impasse et la contradiction. Oreste sauveur, l’envoyé du dieu de
Delphes, est le seul gagnant. À la fin, la lumière sinistre d’une initiation
parfaite irradie le sang d’un meurtre contre nature. (4e de
couverture)
Sophocle,
Antigone, traduit du grec ancien par Jean et Mayotte Bollack, Minuit,
1999
Le
malheur de la famille d’Oedipe est le fond sinistre sur lequel s’élève la pièce
d’Antigone, écrite et représentée vers 440, avant Œdipe roi (autour de
430) et Œdipe à Colone (avant 406-405). Créon, qui succède au roi
maudit, excommunie Œdipe dans son fils Polynice qu’il interdit de sépulture.
Antigone, « la pauvre fille, fille du pauvre Œdipe », est le personnage aveugle
et redoutable de cette tragédie. (4e de couverture)
Jean
Bollack, La naissance d’Œdipe: traduction et commentaires d’Œdipe roi,
Gallimard, « Tel », 1995
Le
texte de l’Œdipe roi de Sophocle, lu et relu pendant plus de deux mille
ans, a subi les atteintes d’une appropriation passionnée. Les mots, même
inchangés, quand ils sont réinterprétés, sont d’autres mots. C’est ici une traduction
nouvelle qui s’appuie sur une révision de l’histoire de la compréhension ; elle
s’est effectuée à partir de nœuds où éclatait le conflit des interprétations.
Dans le miroir de ces problèmes se découvrent au regard synthétique du lecteur
d’aujourd’hui les généalogies d’une tradition du sens. Dans sa survie à travers
les cultures occidentales, l’Œdipe roi de Sophocle est apparu comme une
tragédie du parricide et de l’inceste, et ce sont ces thèmes qui ont fasciné
les lecteurs. En réalité, comme on le voit d’abord dans la discussion des mots,
puis dans les esquisses de reconstitution d’un cadre proprement cosmologique,
ces actes, ressassés par l’imaginaire moderne, sont comme secondaires dans la
pièce ; ils suivent l’événement initial d’une naissance interdite. Le centre
d’intérêt se déplace en amont vers cet éclatement du tissu social ou cette
irruption dans la vie du héros ; les horreurs commises ont la nature et
revêtent les modes que requiert cette transgression-là pour être abolie. Dans
le type de tragédie qu’illustre Œdipe roi, le sujet est l’agent d’une
dislocation, d’un démembrement. La naissance est en elle-même la tragédie. (4e
de couverture)
Jean
Bollack, L’Œdipe roi de Sophocle : le texte et ses interprétations,
Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires de Lille, Cahiers de philologie,
n° 11, 1990
Jean
Bollack, Pierre Judet de La Combe, L’Agamemnon d’Eschyle : Agamemnon 1,Villeneuve-d’Ascq,
Presses universitaires de Lille, Cahiers de philologie, n° 6, 1982
Jean
Bollack, Pierre Judet de La Combe, L’Agamemnon d’Eschyle : Agamemnon 2,
Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires de Lille, Cahiers de philologie,
n° 8, 1982
Jean
Bollack, Pierre Judet de La Combe, Heinz Wismann, La Réplique de Jocaste :
sur les fragments d’un poème lyrique découverts à Lille, Villeneuve-d’Ascq,
Presses universitaires de Lille, « Langues anciennes », 1977
Empédocle,
Les Purifications : un projet de paix universelle, traduit et commenté
par Jean Bollack, édition bilingue français-grec, Seuil, « Points. Essais », 2003
«
Car moi je fus déjà un jour garçon et fille, et plante et oiseau et poisson qui
trouve son chemin hors de la mer ».Les Purifications d’Empédocle : une
quarantaine de fragments issus d’un grand poème énigmatique, d’une fraîcheur et
d’une autorité étranges, entre philosophie et thaumaturgie poétique et
politique. Jean Bollack, qui a travaillé autrefois sur l’autre grand poème
d’Empédocle, Les Origines, dans la perspective d’une reconstitution du système
physique, en propose une traduction et un commentaire adossés à une édition, la
première en France à intégrer les récentes découvertes papyrologiques. (4e
de couverture)
Jean
Bollack, Empédocle, Gallimard, « Tel », 1992
Vol.
1 : Introduction à l’ancienne physique
Vol.
2 : Les Origines : édition critique et traduction des fragments et
témoignages
Vol.
3 : Les Origines : commentaires I et II [paru précédemment aux éditions
de Minuit, dans la collection « Le sens commun », en 2 volumes et en 1965]
Jean
Bollack, La Pensée du plaisir : Épicure : textes moraux, commentaires,
Minuit, « Le Sens commun », 1976
Jean
Bollack, André Laks, Épicure à Pythoclès : sur la cosmologie et les
phénomènes météorologiques, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires de
Lille, « Langues anciennes », 1978
Jean
Bollack, André Laks (éditeurs), Études sur l’épicurisme antique [Centre
de recherche philologique, Lille], Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires de
Lille, « Langues anciennes », 1976
Jean
Bollack, Mayotte Bollack, Heinz Wismann, La Lettre d’Épicure, Minuit, «
Le Sens commun », 1971
Jean
Bollack, Parménide : de l’Étant au monde, Verdier, « Verdier poche »,
2006 [contient les fragments du
Parménide ; éd. bilingue grec-français]
La
vision des sages de la Grèce archaïque est sortie profondément transformée par
la réflexion qu’a menée tout au long de sa vie Jean Bollack. Son ambition est
ici de surmonter la fragmentation d’un poème exceptionnel que nous avons perdu.
Il construit un ensemble avec des pleins et des vides à remplir. Le caractère
initiatique de cet exercice de méditation facilite la tâche du déchiffrement ;
tout s’y tient et le lecteur moderne peut se conformer à ses lois. L’analyse du
langage prime. La pensée s’y libère et découvre un référent sûr. Une cosmologie
s’y projette, des astres à la vie des hommes, de l’Étant au Monde, dont ce
livre s’applique à dégager les correspondances. (4e de couverture)
Jean
Bollack, Dionysos et la tragédie : le dieu homme dans les Bacchantes
d’Euripide, Bayard, 2005
Cet
essai sur la tragédie des Bacchantes, qui entre désormais au répertoire de la
Comédie-Française, accompagne la nouvelle version du texte qui y sera joué. Cet
essai livre les clefs du travail de Jean Bollack qui repose sur une
interprétation différente de la tradition convenue. La tragédie existe d’abord
en raison de l’innovation poétique qui est à l’origine même du théâtre et de
l’action représentée; la mythologie est bien un support préalable, mais elle
est entièrement transposée par la création d’Euripide. La tragédie des
Bacchantes n’est pas non plus un document renvoyant à la formation d’un rituel
ou d’un culte. La charge subversive que contient la pièce tient d’abord à
l’énigme qui s’y déploie: un dieu, Dionysos, monte sur scène et se déguise en
homme, dualité qu’il tient de naissance puisqu’il est fils de Zeus et d’une
mortelle, Sémélé. Inéluctablement, la scène devient le lieu d’une question:
qu’est-ce qu’un dieu? Et les résonances de cette pièce dans l’univers chrétien
sont assez significatives pour être également examinées par l’essai de Jean
Bollack qui finit par dégager l’écart qu’Euripide a su produire en imposant aux
données de son époque (Ve siècle av. J.-C.) des transformations proprement
novatrices, celles que seul nous livre son texte. (4e de couverture)
Jean
Bollack, La mort d’Antigone : la tragédie de Créon, P.U.F., « Collège
international de philosophie », 1999
Une
traduction de la pièce de Sophocle suivie d’un travail de mise en scène
entrepris avec Marcel Bozonnet a inspiré cet essai d’interprétation. Ces
dernières années, la philosophie, la psychanalyse et même l’anthropologie ont
donné une nouvelle image d’Antigone. Le drame a été adapté et actualisé. Un
mythe s’est constitué, il importe de revenir au projet de Sophocle, au texte et
à la composition d’ensemble. Ce livre apporte un nouveau regard sur le sens et
la fin du conflit tragique. Table des matières :
Note
sur la tragédie : 1. Le montage 2. L’emblème 3. Le délire 4. La malédiction 5.
Une allure plus songeuse 6. Créon, un héros contraint à la connaissance 7.
Antigone ou/et Créon 8. La loi, les lois 9. La lecture et le mythe 10. Lire Antigone
11. Le temps tragique, Un principe sophocléen : le retour- présentation de
l’éditeur.
Jean
Bollack, Heinz Wismann, Héraclite ou La séparation, Minuit, « Le Sens
commun », 2001
La
pensée d’Héraclite s’est préparée à la fois de la spéculation mythologique ou
philosophique et de tous les systèmes religieux et sociaux qui l’ont précédée.
C’est qu’elle ne cesse de se constituer dans la distance qui sépare, dans le
dire, entre le dit et la diction. La réflexion projette sur les choses la
contradiction qu’elle abstrait dans la signification. Elle n’y réussit qu’en se
situant à l’extérieur, dans ce lieu distinct et factice, d’où apparaissent les
différences inhérentes aux manières de dire et de faire. Elle est critique par
la référence que toujours elle pose, et par les distinctions qu’elle y établit.
Ayant d’abord reçu pour fonction de préfigurer le radicalisme de la pensée
sophistique, Héraclite a fini par être assimilé aux métaphysiciens qu’il avait par
avance contredits, et par être paradoxalement considéré comme le patron de la
philosophie de l’Absolu. Tributaire des textes altérés au cours de cette
histoire, la philologie du XIXe siècle n’a pu distinguer le «séparé» dans les
cultures de l’unification. Même après Hegel, les philosophes n’ont pas percé
l’écran que leur opposait la vulgate, armée de l’autorité de la science.- 4e de
couverture.
Jean
Bollack, Poésie contre poésie : Celan et la littérature, P.U.F., «
Perspectives germaniques », 2001
Les
études sur les poèmes de Paul Celan, réunies dans ce livre, sont placées sous
le signe du dialogue que le poète a mené dans la profondeur du langage avec la
tradition littéraire au sens le plus large. Elles font voir comment une
écriture s’est constituée, et comment elle s’est elle-même comprise et analysée
tout au long de son parcours. Les déplacements procèdent d’un mouvement
inépuisable de reprises, qui produisent le sens. La critique s’y inscrit. L’art
du déchiffrement débouche à son tour sur la question sans doute essentielle de
notre propre relation au passé culturel. Qu’est-ce qui peut être dit ?
Qu’est-ce qui est nié ? La différence d’une expérience personnelle et
historique a été mise au centre de la constitution d’un langage nouveau, libéré
des croyances quelles qu’elles soient. Rien ne le montre mieux que les
ouvertures sur une réflexion radicale que suscitent les pratiques de langage
chez Hölderlin, Rilke ou Eluard. La poésie de Celan s’insurge contre la poésie,
en retournant la violence contre la violence. L’auteur défend dans ces essais
la prise de position toute nue qui l’emporte sur l’affirmation des vérités
transmises.- 4e de couverture.
Jean
Bollack, L’écrit : une poétique dans l’œuvre de Celan, P.U.F., «
Perspectives germaniques », 2003
Les
mots ont été écrasés. L’interprétation les relève. Le temps irrévocable de
l’inscription fixait chaque fois un regard sur l’histoire, le nouveau refus
d’un effacement. Le moment promu par l’analyse fait sens, il vit de ce retour:
c’est là "sa date", son deuxième temps. La décision de passer par le
détroit du déchiffrement ne date pas moins. La prise de position contre
l’effacement est partout plus forte même que les contenus qu’elle défend.
L’évacuation préliminaire de l’oubli est la condition sine qua non. L’instant
qui se livre dans la singularité d’une expression ou d’une formule survit dans
la langue qui reflue vers lui. Le temps en soi dérobe, mais l’écriture n’est
pas emportée comme le reste. Elle s’est dressée dans un autre temps contre ce
temps ravisseur, avec des lignes qui se dressent. C’est le sens que prend la
droiture des lettres, les verticales du livre. L’inscription sillonne et
traverse le temps. La vision quotidienne accède à une autre vue qui se déploie
dans un espace ouvert. (4e de couverture)
Jean
Bollack, Pierre de cœur : un poème inédit de Paul Celan, Le Périgord,
Périgueux, Fanlac, 1991 (édition du poème en fac-simile, bilingue
français-allemand, avec des photographies de Bernard Tardien et Peter Szondi)
Jean
Bollack, Jacob Bernays : un homme entre deux mondes, préf. Renate
Schlesier, Presses universitaires du Septentrion, « Savoirs mieux », 1998
Jacob
Bernays (1824, 1881), lettré autant que philologue, fut un grand découvreur. À
Bonn, où il enseigna, il eut, entre autres élèves, Nietzsche et Wilamowitz.
C’est une des figures les plus fascinantes de l’histoire des lettres. Exclu par
ses origines juifs et par son ascétisme de l’institution, et, du même coup, de
la folie d’une productivité scientiste effrénée, qui emportait le siècle, il
est resté fidèle aux idées qui avaient justifié les Lumières. il fit fructifier
cette extériorité dans une recherche fondatrice, à la fois savante et ouverte.
Ce livre, écrit par un helléniste d’aujourd’hui, se veut le portrait de son
œuvre : il saisit la nouveauté de ses points de vue, sur le sens de la
catharsis dans la Poétique d’Aristote, sur l’importance des
présocratiques, sur les voies croisées de la philosophie religieuse des juifs
et des chrétiens, sur leurs mentalités et leurs rites -, en captant cette
nouveauté dans le jaillissement de la découverte, au moment où ces vues se sont
exprimées, avec leurs blocages, leurs promesses, leurs déviances latentes,
ponctuelles ou définitives. L’histoire juge l’histoire, dans un débat passionné
avec le passé, et montre ce qui allait être, mais aussi ce qui aurait pu être.-
présentation de l’éditeur.
Jean
Bollack, Lettre à un président : du découragement des études grecques en
France, Minuit, « Le Sens commun », 1972
DATE DE PUBLICATION EN LIGNE : 18 OCTObre 2008