Brève n° 155
Les petites universités recalées du plan campus adoptent des
stratégies de survie
Catherine Rollot, article du
Monde, 13 novembre 2008 (le passage intéressant est souligné)
Elles
partagent la déception de ne pas faire partie des élues de l’« opération
campus », qui va créer dix pôles d’excellence universitaires dotés d’un
financement de 5 milliards d’euros. À côté de quelques parisiennes, les
universités perdantes sont souvent des établissements plus modestes de province
: ils craignent de péricliter. Valérie Pécresse a annoncé, mercredi 12
novembre, dans Les Échos, que onze d’entre elles recevraient 400
millions d’euros sur trois ans.
Mais
les « perdantes » ont adopté leurs propres stratégies de survie. Avec
ses 10 000 étudiants, l’université de Perpignan Via Dominia est un petit Poucet
dans le paysage universitaire. L’argent du plan campus n’aurait pas été de trop
pour rénover un parc immobilier vétuste. « J’ai 3 500 m2 de bâtiments
préfabriqués construits dans les années 1960 à raser et à reconstruire, et 7
000 m2 à restructurer », explique Jean Benkhelil, président de l’université.
Pour
autant, Perpignan n’a pas postulé au plan campus. « Dès le départ, nous
avons compris que le projet ministériel s’adressait aux grandes universités
métropolitaines », confie M. Benkhelil. Pour trouver les 100 millions
nécessaires à sa réhabilitation, le campus compte sur des financements plus
classiques, provenant des collectivités. « L’État nous a fait comprendre
que son aide ne pouvait arriver qu’en complément », ajoute M. Benkhelil.
L’« opération
campus » a provoqué un électrochoc pour ces universités, qui vont devoir
revoir leur positionnement. « Nous pensons que nous avons notre place à
côté des universités de Montpellier, à condition de cultiver nos points forts »,
conclut le président de Perpignan. L’établissement veut recentrer son offre de
formation et sa recherche autour de spécialités comme l’énergie solaire et l’environnement
marin. Elle espère aussi profiter de son appartenance au réseau Vives, une
association de vingt établissements universitaires de la Catalogne, des îles
Baléares, d’Andorre et du sud de la France.
Coincée
entre Lille et Paris, l’université de Picardie Jules-Verne, établissement de
taille moyenne, est, elle aussi, en pleine réflexion. Pour son président,
Georges Faure, elle est « d’utilité publique, car elle permet à des
étudiants picards de condition modeste de poursuivre des études supérieures ».
Outre
le campus principal, situé à Amiens, l’université a ainsi des antennes à
Beauvais, Creil, Saint-Quentin, Soissons et Laon. Mais, pour tirer son épingle
du jeu, elle fait des appels du pied à ses voisins, notamment l’université de
Reims, et les IUT de Compiègne ou de Troyes. « Nous avons des similitudes
avec l’université de Reims, et, déjà, des formations en commun. Notre survie
passe par la complémentarité. Nous ne pourrons plus nous permettre d’avoir des
formations à effectif faible, en double », poursuit M. Faure.
BOUCLER
LE BUDGET
En
lettres classiques, par exemple, une trentaine d’étudiants seulement font du
grec à Amiens. A Reims, ils sont une cinquantaine. L’université réfléchit à
répartir les étudiants en licence dans une université, et ceux en master dans l’autre.
Malgré
tous leurs projets, ces pôles de second rang savent que leur avenir sera
difficile. « Notre situation immobilière nous plombe, analyse le président
de Perpignan. Sur un budget de 18 millions d’euros hors personnel, la moitié
part en dépenses de fonctionnement. » Résultat : des aménagements sont en
plan et, chaque année, l’université a du mal à boucler son budget. « L’opération
campus était une occasion de restructurer nos implantations pour pouvoir bâtir
un campus des sciences en centre-ville, explique Georges Faure, à Amiens. Nous
avions besoin de 80 millions d’euros, il va falloir les trouver par un autre
moyen. Les collectivités locales nous soutiennent déjà beaucoup, je ne sais pas
si elles pourront nous financer davantage. »
Arrivées
onzièmes alors qu’il n’y avait que dix places, les universités lilloises
(Lille-1, Lille-2, Lille-3) ont elles aussi vu les milliards du plan campus s’envoler.
Leur dossier s’était vu toutefois attribuer la mention « campus prometteur »,
qui méritait selon Mme Pécresse, un soutien de l’État.
Depuis
des semaines, les trois présidents et le représentant de la région
Nord-Pas-de-Calais se mobilisaient pour faire valoir cette distinction. Des
parlementaires de droite et de gauche ont été reçus par la ministre. Ils ont
présenté un nouveau projet. La région Nord-Pas-de-Calais s’est dite prête à le
financer à hauteur d’1 euro pour 1 euro mis par l’État. À ces conditions, la
mobilisation a payé.
DATE DE PUBLICATION EN LIGNE : 16 NOVEMbre 2008