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Brève n° 161

 

Un courageux collégien

 

Docteur Hubert S. Varonier, « Un courageux collégien », Tribune de Genève, 30 juillet 2008

 

Crans-Montana, 24 juillet. J’ai lu avec beaucoup d’attention et d’intérêt l’article paru aujourd’hui, consacré à l’étude du grec ancien au Collège de Genève. Avec raison et détermination, un élève s’insurge contre le désintérêt et les difficultés que rencontrent ses condisciples et lui-même, qui désirent étudier cette langue qualifiée de morte.

Dans notre univers technocratique, on méprise les fondements de notre culture et de notre histoire. On oublie que notre langue française, mais aussi espagnole et italienne, est issue du grec ancien et du latin. La méconnaissance de ces racines linguistiques fait que nos jeunes n’acquièrent et ne possèdent actuellement qu’un très succinct vocabulaire, sans parler d’une orthographe catastrophique. Elle conduit ainsi inexorablement à une pauvreté culturelle et intellectuelle que nos modernes gadgets électroniques ne font qu’aggraver. Les futurs médecins et juristes n’ont plus besoin de justifier d’avoir fait leurs humanités (latin-grec) pour accéder à leurs études universitaires. Résultat: ils doivent apprendre tous les nombreux termes spécifiques à leur profession sans en connaître l’étymologie. Ils acquièrent ainsi un savoir essentiellement technique, sans âme ni culture, ou presque.

Je ne peux donc que saluer la courageuse réaction de notre jeune collégien en faveur d’un enseignement qui mérite l’attention et le soutien des autorités scolaires.

 

« Un ado s’indigne de devoir changer de collège pour étudier le grec ancien », Tribune de Genève, 23 juillet 2008

 

Il a 15 ans, une voix toute jeune mais résolue. Au Collège, Fabio Battiato est «tombé amoureux» du grec ancien, qu’il compte bien étudier jusqu’à la maturité. Mais voilà, faute d’effectifs, son Collège l’a sommé, lui et trois de ses camarades, d’abandonner cette option ou alors de quitter le Collège. Réduite à quatre élèves, la classe de grec est annulée. Les jeunes gens doivent changer d’école.

« On sacrifie les études pour de l’argent ! », dénonce l’adolescent. Des raisons financières motivent en effet cette décision. Des douze élèves qui étudiaient le grec en première année, ils ne sont plus que quatre à continuer en deuxième. Le 26 juin, la doyenne du Collège de Staël leur a téléphoné pour leur signifier l’impossibilité de maintenir le cours avec un effectif si réduit. A eux de choisir, et vite, entre une autre option ou une autre école.

Sur la forme, Fabio s’indigne d’avoir été prévenu si tard. «Les épreuves étaient terminées le 13 juin. La fin officielle des cours tombait le 27. Ils avaient deux semaines pour nous parler. Davantage même: avec les inscriptions provisoires, ils savaient en avril qui voulait continuer. Ce n’est pas croyable de téléphoner le dernier soir et d’exiger une réponse pour le lendemain!»

Et d’argumenter sur le fond: «En prenant le grec, j’ai dû laisser de côté les sciences, que j’aimais beaucoup. Je trouve dommage de décourager le peu d’élèves qui choisissent cette langue morte, qui finira par disparaître si plus personne ne l’étudie. »

 

« Bons élèves pénalisés »

 

Bon élève, le garçon s’estime pénalisé. « Ceux qui veulent continuer le grec dépendent de la motivation et des résultats des autres. C’est plus facile pour les mauvais élèves: ils choisissent tous les mêmes options et n’auront jamais ce problème. Les bons, eux, sont partagés entre la physique, la biologie-chimie, le latin-grec. » Il relève qu’« avant, lorsqu’un Collège proposait une option, il devait l’assurer jusqu’à la maturité ».

Les élèves se sont battus bec et ongles. « À quatre, nous sommes allés voir la doyenne avec toute une argumentation. » Ils ont écrit au directeur et à Charles Beer, chef du Département de l’instruction publique. L’association des parents et d’anciens élèves de grec «révoltés» se sont mobilisés pour eux. En vain. Le directeur leur a appris leur inscription au Collège de Saussure.

« C’est toute une vie sociale à reconstruire, soupire Fabio. En plus, avec mon ami Simon, on mettait entre cinq et dix minutes à pied pour aller à l’école. On rentrait chez nous à midi. Là, nous ferons vingt minutes de bus et devrons manger à la cafétéria. »

Déterminés, les deux jeunes gens demandent le remboursement de l’abonnement de bus et des repas de midi.

 

DATE DE PUBLICATION EN LIGNE : 16 NOVEMbre 2008

 

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