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Brève n° 173

 

Le talent d'Achille

 

Compte rendu de Vincent Delecroix, Tombeau d’Achille (Gallimard, «  L'Un et l'autre », 2008, 163 pages, 16,50 euros) par Philippe Chevilley paru le 25 novembre 2008 dans Les Échos

 

Dans la singulière collection « L'Un et l'autre » (Gallimard), Vincent Delecroix invite à côtoyer un ami d'enfance, Achille, le héros grec. Tant qu'à se choisir un frère de rêve et de sang, autant frapper fort et haut, revenir aux grands mythes fondateurs, aux surhommes des origines.

Tombeau d'Achille n'est pas une « bio » du héros de l'Iliade, non plus qu'un essai - c'est l'histoire d'une rencontre intime. Avec soi-même, avec son modèle et son double, choisi, enfant, dans le grand monde des livres. Achille, implacable et colérique, compagnon de jeu idéal, frère des grandes solitudes : avec lui, on peut grandir tranquille, se faire une place dans le monde. Vincent Delecroix raconte son/notre héros, avec toute la tendresse de l'homme/petit garçon. Sans minorer l'ambiguïté de cette attirance.

Car Achille, c'est la violence pure qui détruit tout sur son passage ; l'ange solaire de la mort et de la désolation - la gloire et l'amour ne font qu'attiser sa force destructrice. C'est la « grande colère » irraisonnée - lorsqu'il traîne Hector au bout de son char. C'est la mort aussi, et surtout, qui l'attend, parce que son talon n'a pas été protégé d'un assaut mortel, parce qu'il n'est qu'un surhomme et qu'il défie les dieux, Apollon en tête.

 

De l'Olympe aux enfers

 

Cette colère, cette violence, cet instinct de mort qui couvent en nous, comment peut-on s'en faire des amis fréquentables, si ce n'est en la personne d'Achille ? Car le héros grec est aussi le symbole de la beauté, du mouvement, du monde qui se bat et avance, de la solitude digne - et puis il a ses moments de douceur extrême, quand il croise le regard du sage Priam et que sa colère retombe, quand il aime désespérément un jeune homme ou une jeune femme, qui semblent tombés comme lui du soleil.

Vincent Delecroix nous trimbale de l'Olympe aux enfers, nous ramène à un monde premier et bouleversant, dans une langue onirique où chaque mot semble trempé dans l'or ou le diamant. Il s'excuse à la fin de cet emportement lyrique, de son « tombeau » peut-être un brin trop fleuri. Qu'importe ! Il a rendu justice à Achille, réveillé le héros qui sommeillait en nous, l'homme qui n'a pas peur des dieux ni de la mort.

 

DATE DE PUBLICATION EN LIGNE : 10 DÉCEMbre 2008

 

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