Billet du 16 novembre 2008 sur le blogue « d'actualités
politiques et culturelles » intitulé Lectures et contre-lectures
Tournons une nouvelle page de notre florilège et laissons à Brasillach
le soin de nous faire goûter cette fois au parfum de l’une des fleurs les plus
précieuses de la poésie lyrique grecque : Sappho. Une fleur délicate mais dont l’éclat ne cesse de nous éblouir.
Saphô est à jamais la merveille du lyrisme grec. Ce qui nous
en reste est peu de chose, mais le moindre de ses fragments semble embaumé d’un
parfum qui a traversé les âges. Du VIe siècle avant notre ère,
Psapphâ (ou Psapphô, ou Sapphô) de Lesbos rayonne d’un éclat que rien n’a pu
ternir, et les autodafés de son œuvre, au IVe siècle ou au XIe
siècle, ont toujours épargné assez du trésor le plus précieux du paganisme. De
sa vie, nous ne savons presque rien. Le saut qu’elle fit à Leucade pour le beau
Phaon appartient à la légende. Des âmes pieuses ont voulu que ses amours
fussent aussi légendaires et ont donné comme preuve qu’elle composait des
chants d’hyménée. Nous tenons pour assuré, étant naïf, que Sappho aimait les
femmes, et que cela ne choquait personne. Il se peut qu’Alcée lui ait fait la
cour, cela n’est pas certain non plus. Mais
des trois ou quatre odes presque intactes (encore la célèbre ode à Aphrodite
est-elle la plus conventionnelle malgré sa grâce), des fragments éblouissants
qui nous restent, jaillit toujours une magie immortelle. C’est la passion
elle-même, sa voix rauque et douce, son chant voilé, son insomnie, son
désespoir, à travers l’évocation de jeunes filles, de nuits fleuries,
d’étoiles, et tout un univers enivrant.
Robert Brasillach
SAPPHO
À Aphrodite
Aphrodite, fille de Dieu,
O tisseuse immortelle au trône étincelant,
Ne laisse pas mon cœur, écoutes-en mon vœu,
O reine, s’affliger sur les dégoûts pesants.
Ah ! reviens si jamais, naguère
Tu as su m’écouter, entendre au loin ma voix,
Alors que tu quittais, pour accourir vers moi,
La maison dorée de ton père.
De rapides moineaux, à ton char attelés,
T’emportaient tout autour de notre sombre terre,
Secouaient dans le vent l’aile aux plumes serrées,
Et d’en haut tiraient droit par le travers de l’air.
Et vite, ils étaient là, et toi, ô mon bonheur,
D’un sourire éclairant ton visage immortel,
Tu demandais le nom de ma neuve douleur,
Et pourquoi mon appel.
Quelle folie brûlait mon cœur malade ?
« Qui réclames-tu donc de mener à ta flamme
A celle-là qui persuade ?
Qui Saphô, te fait mal à l’âme ? »
« Parle. Si elle fuit, bientôt elle accourra.
Sans écarter les tiens, elle offrira ses dons.
Si elle n’aime pas, bientôt elle aimera,
Qu’elle le veuille ou non. ! »
Ah ! cette fois encor, viens à moi, rends-moi libre
De ces soucis amers sous lesquels je m’abats,
Fais tout ce que mon cœur désire pouvoir vivre,
Sois mon compagnon de combat !
Traduit
du grec ancien par Robert Brasillach dans l’Anthologie de
la poésie grecque, Stock, 1950
DATE DE PUBLICATION EN LIGNE : 10 DÉCEMbre 2008