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Brève n° 174

 

De l’aube au crépuscule de l’Occident : Sappho

 

Billet du 16 novembre 2008 sur le blogue « d'actualités politiques et culturelles » intitulé Lectures et contre-lectures

 

Tournons une nouvelle page de notre florilège et laissons à Brasillach le soin de nous faire goûter cette fois au parfum de l’une des fleurs les plus précieuses de la poésie lyrique grecque : Sappho. Une fleur délicate mais dont l’éclat ne cesse de nous éblouir.

 

Saphô est à jamais la merveille du lyrisme grec. Ce qui nous en reste est peu de chose, mais le moindre de ses fragments semble embaumé d’un parfum qui a traversé les âges. Du VIe siècle avant notre ère, Psapphâ (ou Psapphô, ou Sapphô) de Lesbos rayonne d’un éclat que rien n’a pu ternir, et les autodafés de son œuvre, au IVe siècle ou au XIe siècle, ont toujours épargné assez du trésor le plus précieux du paganisme. De sa vie, nous ne savons presque rien. Le saut qu’elle fit à Leucade pour le beau Phaon appartient à la légende. Des âmes pieuses ont voulu que ses amours fussent aussi légendaires et ont donné comme preuve qu’elle composait des chants d’hyménée. Nous tenons pour assuré, étant naïf, que Sappho aimait les femmes, et que cela ne choquait personne. Il se peut qu’Alcée lui ait fait la cour, cela n’est pas certain non plus.  Mais des trois ou quatre odes presque intactes (encore la célèbre ode à Aphrodite est-elle la plus conventionnelle malgré sa grâce), des fragments éblouissants qui nous restent, jaillit toujours une magie immortelle. C’est la passion elle-même, sa voix rauque et douce, son chant voilé, son insomnie, son désespoir, à travers l’évocation de jeunes filles, de nuits fleuries, d’étoiles, et tout un univers enivrant.

 

Robert Brasillach

 

SAPPHO

 

À Aphrodite

 

Aphrodite, fille de Dieu,

O tisseuse immortelle au trône étincelant,

Ne laisse pas mon cœur, écoutes-en mon vœu,

O reine, s’affliger sur les dégoûts pesants.

 

Ah ! reviens si jamais, naguère

Tu as su m’écouter, entendre au loin ma voix,

Alors que tu quittais, pour accourir vers moi,

La maison dorée de ton père.

 

De rapides moineaux, à ton char attelés,

T’emportaient tout autour de notre sombre terre,

Secouaient dans le vent l’aile aux plumes serrées,

Et d’en haut tiraient droit par le travers de l’air.

 

Et vite, ils étaient là, et toi, ô mon bonheur,

D’un sourire éclairant ton visage immortel,

Tu demandais le nom de ma neuve douleur,

Et pourquoi mon appel.

 

Quelle folie brûlait mon cœur malade ?

« Qui réclames-tu donc de mener à ta flamme

A celle-là qui persuade ?

Qui Saphô, te fait mal à l’âme ? »

 

« Parle. Si elle fuit, bientôt elle accourra.

Sans écarter les tiens, elle offrira ses dons.

Si elle n’aime pas, bientôt elle aimera,

Qu’elle le veuille ou non. ! »

 

Ah ! cette fois encor, viens à moi, rends-moi libre

De ces soucis amers sous lesquels je m’abats,

Fais tout ce que mon cœur désire pouvoir vivre,

Sois mon compagnon de combat !

 

Traduit du grec ancien par Robert Brasillach dans l’Anthologie de la poésie grecque, Stock, 1950

 

DATE DE PUBLICATION EN LIGNE : 10 DÉCEMbre 2008

 

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