Brève n° 204
Les langues anciennes sont-elles condamnées à mourir ?
Langues de l’élite autrefois,
simples options aujourd’hui… le latin et le grec semblent n’être plus qu’en
situation de survie. Qu’en est-il réellement ? - Article de Stéphanie Barioz dans la rubrique « Avec
recul » du site nousvousils, le vendredi 21 mars 2003 (déjà !).
Socrate,
Thalès, Nike, Hermès : un programme informatique, une entreprise, des marques…
alors que les références antiques continuent d’abreuver notre univers, de
manière parfois étonnante, le latin et le grec ancien sont victimes d’une
société qui ne valorise plus leur enseignement. Au collège, près d’un élève sur
5 choisit cependant d’étudier le latin. « Les parents qui incitent leur
enfant à prendre le latin le font par tradition familiale et/ou parce que cela
peut lui assurer d’être dans une classe de bon niveau, constate Marie-Hélène
Menaut. Quitte à l’abandonner au lycée… » Élitistes et désuètes, les
langues anciennes ? « Il n’est pas tout à fait exact de dire que latin et
grec n’ont plus la cote. Sauf à souscrire au discours “officiel” de ceux qui
veulent les éliminer », note Jean-Claude Carrière, professeur émérite de
grec à l’Université Toulouse 2-Le Mirail et co-président de l’Artela.
Un
abandon programmé ?
Le
combat idéologique, selon lequel le latin et le grec nuiraient à la
démocratisation de l’école, semble s'être quelque peu atténué. Les « pédagogues »
reconnaissent qu’ils sont allés un peu trop loin en vilipendant la culture
classique. Mais, quel que soit le gouvernement, les ministres en restent aux
déclarations d’intention. « On note, ces dernières années, une absence de
volonté politique de défendre les langues anciennes, accuse Agnès Joste.
Pourquoi l’option latin, proposée en 5e peut-elle être abandonnée dès la 4e
? Pourquoi le grec est-il la seule matière à option proposée seulement en 3e,
ce qui le marginalise davantage ? Pourquoi n’existe-t-il pas de seuil officiel
pour ouvrir une section de langue ancienne ? » Pour Marie-Hélène Menaut,
présidente de la Cnarela et professeur en lycée à Bordeaux, « tout dépend
en effet de la bonne volonté du rectorat, du chef d’établissement, de l’IPR… et
du militantisme des enseignants ».
« Des
conditions dissuasives »
Tout
empire au lycée, puisque 3 latinistes sur 4 abandonnent le latin à leur entrée
en 2de. « Les conditions qui sont faites aux élèves sont complètement
décourageantes et volontairement dissuasives, ajoute Jean-Claude Carrière. On
multiplie les options sans augmenter les dotations horaires globales des
établissements, ce qui contraint les chefs d’établissement à des choix
drastiques, souvent au détriment des langues anciennes. » Ces dernières
entrent de plus en concurrence avec de nouvelles matières optionnelles comme
les Sciences économiques et sociales, une troisième langue vivante ou
l’informatique et la technologie. « Concurrence déloyale » selon Agnès
Joste, qui reconnaît bien l’intérêt de telles disciplines. Et de rappeler qu’au
bac, « l’option latin ou grec, matière étudiée plusieurs années, est, au
mieux, affectée du même coefficient que le dossier de TPE, réalisé en quelques
mois ».
« Une
filière forte et attractive »
Face
à cette dévalorisation des langues anciennes, des enseignants demandent la
création d’une vraie filière littéraire au lycée. « Elle inclurait
obligatoirement l’étude d’une langue ancienne », précise Marie-Hélène
Menaut pour la Cnarela. « Nous voudrions une filière forte et attractive,
afin de fournir un vivier de bons élèves pour l’Université, résume Michel
Perrin, professeur de latin à l’Université de Picardie, président de
l’Association des professeurs de langues anciennes dans l'enseignement
supérieur (APLAES). » L’idée d’une vraie filière littéraire semble
pourtant être l’Arlésienne des gouvernements. Jusqu’à ce que plus personne ne
la défende ?
DATE DE
PUBLICATION EN LIGNE : 31
MARS 2009