Brève n° 208
En septembre 2008 a paru aux éditions du Cerf une nouvelle
méthode de grec : Polis : parler le grec ancien comme une langue vivante :
Christophe Rico, Πόλις. Polis. Parler le grec
ancien comme une langue vivante, éditions du Cerf, 2009, 295 p. + 1 CD
audio. - Les lignes qui suivent offrent une présentation de la méthode, la
table des matières ainsi que l’ensemble du troisième chapitre.
Destiné
à tous ceux qui souhaitent lire un jour les textes anciens à livre ouvert, cet
ouvrage offre une initiation au grec dans le dialecte qui a produit les œuvres
les plus importantes pour notre culture : le grec koinè. De Plutarque au
Nouveau Testament, de Polybe à la Septante, de Plotin à l’auteur du Traité du
Sublime, une foule d’écrivains ont rédigé leurs textes dans ce dialecte
commun διάλεκτος κοινή
qui a fondé la culture occidentale.
A
l’intérieur de ce domaine couvrant huit cents années d’Hellénisme, nous avons
retenu un point de référence : le grec du premier siècle de notre ère, tant
pour son caractère médian entre le koinè ancien (IIIe s. av. J.-C. – IIe siècle
av. J-C) et tardif (IIIe s. - Ve s. ap. J.-C.), que pour l’extraordinaire
intérêt des textes qu’il a produits.
Cet
ouvrage s’appuie sur les techniques habituelles qui prévalent aujourd’hui dans
l’enseignement des langues vivantes. A ce titre, on s’est efforcé de retrouver
la richesse du grec koinè à travers une série de textes rédigés selon une
progression naturelle. Nous avons, pour ce faire, puisé aux concordances
d’Apollonius Dyscole (pour les termes grammaticaux), de Plutarque (pour
certains mots de la vie courante) et du Nouveau Testament (pour le vocabulaire
usuel). Ces trois corpus offrent en effet l’avantage de s’appuyer sur un vaste
éventail de textes du premier siècle de notre ère. Quand ces sources ne
suffisaient pas, le vocabulaire de la Septante a pu nous tirer d’affaire.
Dans
quelques cas exceptionnels, marqués d’une astérisque dans notre lexique, nous
avons forgé des néologismes pour désigner des réalités inconnues au début de
notre ère. Cette solution permettait de présenter des textes qui respirent la
fraîcheur de la vie quotidienne et redonnent au grec ancien toute la saveur
d’une langue actuelle. L’emploi systématique des concordances a d’ailleurs
permis de reprendre, au-delà du vocabulaire lui-même, nombre d’expressions et
de tours de la langue du premier siècle, au point que certains passages de ce
livre constituent de véritables centons du Nouveau Testament.
Outre
les textes directement rédigés pour les besoins de la méthode, nous avons
retenu pour ce premier volume, en les simplifiant quelque peu, trois passages
du Nouveau Testament.
Ce
livre a été conçu tant pour un usage en groupe, sous la conduite d’un
professeur, que pour un travail en autodidacte. Chaque leçon s’appuie sur deux
ou trois textes de base, dont la traduction figure en fin d’ouvrage. Sauf
exception, il ne s’agit pas de traductions littérales, le sens global de la
phrase important davantage que le mot à mot. Les dessins qui illustrent chaque
leçon permettent de fixer les idées.
Les
exercices proposés relèvent de types variés (exercices à trous, appariement de
membres de phrases, questions à trouver, réponses à donner, textes à
composer…), afin de renouveler chaque fois, dans la mesure du possible,
l’intérêt de l’étudiant. Tous les corrigés sont proposés en fin d’ouvrage. La
section « morphologie » rassemble en outre les données grammaticales présentées
au fur et à mesure de la progression didactique.
Le
lexique ne constitue pas à proprement parler un dictionnaire, mais plutôt un
répertoire de phrases-type, dont nous donnons la traduction, et qui permettent
de situer les différents emplois d’un terme. On évite de la sorte l’impression
erronée qu’à chaque mot de la langue grecque correspondrait un autre mot de la
langue française, comme si le lexique d’une langue ne constituait qu’une
nomenclature. Parler une langue étrangère n’a jamais consisté à traduire chacun
des termes de la langue de départ par un autre de la langue d’arrivée. Il est
beaucoup plus efficace de retenir un répertoire de phrases, porteuses d’un
contexte et d’une structure syntaxique.
Une
dizaine de personnages, étudiants pour la plupart, figurent dans les textes que
nous avons composés. Ils nous accompagneront tout au long de la méthode Polis.
Tranché et varié, le tempérament de chaque personnage crée une attente chez le
lecteur, fournit un cadre d’interprétation et facilite de ce fait la
compréhension.
Lingua
ex auditu : un CD audio accompagne cette méthode. Il se
fonde sur une prononciation conservatrice du dialecte, celle des élites du
début du grec koinè, sauf dans le cas des sonorités spirantes attribuées
à φ, θ et χ. Pour ces consonnes, nous avons en
effet retenu les prononciations [f], [θ] et [ħ], plus commodes à réaliser
que les phonèmes historiques ([ph], [th] et [kh]).
Notre
choix pourrait sembler arbitraire. Pourquoi donc adopter le système
phonologique du début du grec koinè alors que la langue choisie correspond au
premier siècle de notre ère ? C’est l’intérêt pédagogique qui a paru terminant.
Au premier siècle, la prononciation du grec était devenue très éloignée de
l’orthographe, de nombreuses diphtongues s’étant confondues avec des voyelles (οι
était prononcé comme υ , αι comme ε, ει
comme ι).
Cette évolution phonétique présentait l’inconvénient d’ajouter une difficulté
supplémentaire à une langue réputée ardue. L’unité du grec koinè étant fondée
sur l’orthographe, il nous a paru plus judicieux de retenir, dans la mesure du
possible, une prononciation proche de l’écrit. C’est la raison pour laquelle
nous distinguons entre accent circonflexe et accent aigu.
Ceux
qui auraient la curiosité de connaître la prononciation réelle du grec au
premier siècle de notre ère trouveront dans le CD audio, à titre d’exemple, la
lecture du début du Prologue de l’évangile de Jean telle qu’elle aurait pu être
récitée à l’époque de sa composition.
Il
convient d’abord de maîtriser la lecture et l’écriture du grec. L’introduction
de cet ouvrage vous permettra d’y parvenir assez vite. À l’écrit, les lois de
l’accentuation déconcertent les étudiants. Voilà pourquoi, dans ce premier
volume, nous avons pris le parti de ne dévoiler qu’un petit nombre de règles.
Le système accentuel du grec obéit en effet à des principes complexes. Certains
termes peuvent recevoir plusieurs accents au gré de la ponctuation ou du mot
qui suit. Contentez-vous donc de noter les accents connus, le reste du système
deviendra clair dans les prochains volumes.
Pour
chacun des chapitres, il nous faut distinguer trois étapes : découverte
auditive, lecture à haute voix, lecture silencieuse. Nous vous conseillons
d’écouter d’abord plusieurs fois l’enregistrement du texte sans le lire, même
si vous n’en comprenez guère le sens. Vous pouvez ensuite écouter deux ou trois
fois le passage en suivant le texte des yeux. Ce n’est qu’ensuite que vous
commencerez à lire le texte sans l’écouter, à haute voix d’abord, puis en
lecture silencieuse, en vous aidant de la traduction correspondante.
Prenez
la peine de rédiger soigneusement tous les exercices, sur un cahier spécial ou
sur le livre, selon votre gré. Les corrigés vous permettront de mesurer vos
progrès. Comme pour toutes les langues vivantes, la constance est une qualité
essentielle. Réservez un temps fixe chaque jour à l’étude du grec, de l’ordre
d’une demi-heure. La réussite ne dépend pas des grands efforts isolés mais
d’une discipline personnelle.
Βραδέως, βραδέως : hâtez-vous lentement !
DATE DE
PUBLICATION EN LIGNE : 1er
AVRIL 2009