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Brève n° 211

 

Le vocabulaire de la colonisation

 

Billet du jeudi 26 février 2009 par SPN sur son blogue.

 

Remarquable étude de Michel Casevitz sur ce thème (« Le vocabulaire de la colonisation en grec ancien », 1985).

Le vocabulaire actuel lié à la colonisation pose de multiples problèmes à l’historien car il renvoie surtout aux colonisations modernes. Il faut donc être prudent et éviter tout anachronisme dès lors que l’on s’intéresse au phénomène de la colonisation dans l’Antiquité. Rappelons que les termes de colonie et de colon sont à l’origine des termes latins (colonia, colonus) ; jusqu’au XIVe siècle, le colonus était le cultivateur, le fermier. Au XVIIe siècle le sens de colon s’applique à l’habitant d’une colonie. A partir du XVIIe siècle le terme est utilisé en français pour désigner un territoire dominé et administré par un pouvoir étranger (notamment lorsqu’il est question de l’Antiquité romaine mais aussi des colonies d’Amérique du Nord). Puis au siècle suivant, le sens prend une dimension nettement plus économique. C’est aussi au XVIIIe siècle qu’apparaît le terme de colonisation emprunté à l’anglais (colonization), ce qui montre aussi le poids du Royaume-Uni dans la formation des empires coloniaux à cette époque. Enfin, des mots comme colonialisme sont utilisés au XIXe siècle sous l’influence des théories marxistes et servent à mettre en évidence l’exploitation des terres et des hommes dans ces régions.

Mais revenons au vocabulaire grec de la colonisation pour comprendre la spécificité de ce phénomène à l’époque archaïque. Deux familles de termes existent en grec : ktizô (dimension plus statique et plutôt lié à la terre) et oikizô (une migration collective puis une installation). De ces termes proviennent les mots : ktisis (soit la « fondation ») ; apoikia et apoikos qui nous intéressent plus directement. L’apoikos est à l’origine celui qui a « émigré de » tel cité ou tel peuple. Les apoikoi sont donc les colons. Entre apoikoi, il peut y avoir syggeneia, c’est-à-dire parenté, même souche (Doriens, Ioniens,…).

L’apoikia (au pluriel apoikiai) est un terme polysémique et par conséquent difficile à traduire. En premier lieu, c’est l’expédition elle-même qui mène un groupe d’émigrés d’une région à l’autre de la Méditerranée. Il s’agit donc d’un phénomène collectif de migration (un exode), dont la conduite est assurée par un oïkiste (ou oeciste) qui joue le rôle de chef de l’expédition. Souvent le terme d’apoikia est traduit par « colonie de … », marquant ainsi l’origine et la dépendance plus ou moins étroite avec la métropole.

En second lieu, l’apoikia est la fondation d’un nouvel établissement (donc une ktisis). L’oïkiste devient le fondateur de la nouvelle cité et il est honoré après sa mort. On parle aussi d’archégète pour certaines fondations comme Naxos, mais il s’agit là de l’épithète d’un dieu (en l’occurrence Apollon) ou d’un héros protecteur d’une apoikia.

Au cours de l’époque classique le terme d’apoikia a évolué prenant le sens de colonie de peuplement à vocation militaire. A partir d’Alexandre le Grand on parle plus souvent de katoikia, soit d’établissement militaire, sens qui restera valable dans le monde romain.

 

DATE DE PUBLICATION EN LIGNE : 1er AVRIL 2009

 

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