Brève n° 217
Québec. Pour le retour, à l’école secondaire, des textes mythiques
de l’Antiquité gréco-latine
Compte rendu par Yvon Larose d’un
mémoire de Julie-Christine Gagné, « Sur les traces d’Ulysse » dans Au
fil des événements. Le journal de la communauté universitaire dans son
édition du 26 mars 2009 (volume 44, numéro 26).
À
qui le prénom Pénélope fait-il penser? Au Québec, il y a de fortes chances que
la réponse soit l’actrice espagnole Penélope Cruz plutôt que l’épouse d’Ulysse,
le héros grec mythique dont le poète Homère a chanté les aventures dans son
récit épique l’Odyssée, un des textes fondateurs de la littérature occidentale
écrit il y a environ 2 800 ans. Pour Julie-Christine Gagné, professionnelle de
recherche au Département d’études sur l’enseignement et l’apprentissage, un tel
résultat serait peu surprenant. « Depuis les années 1960 au Québec, et à la
suite de trois réformes scolaires, l’enseignement des œuvres littéraires issues
de l’Antiquité gréco-latine a été pratiquement évincé des programmes de
formation pour la classe de français au secondaire, explique-t-elle. Pour les
réformateurs, l’étude de ces textes a été jugée désuète, élitiste, voire
inutile. »
Julie-Christine
Gagné a déposé dernièrement son mémoire de maîtrise en didactique. Sa recherche
portait sur l’enseignement des mythes grecs et latins au secondaire. Selon
elle, la réhabilitation de cet enseignement se justifie pleinement pour la
classe de français du niveau secondaire, ne serait-ce que pour permettre aux
élèves de comprendre les références assez fréquentes, dans notre culture, aux
mythes grecs et latins. Ces références se retrouvent notamment dans la langue
(une tâche herculéenne, le complexe d’Œdipe), la publicité (un personnage vêtu
d’une toge parvient, comme Sisyphe, à pousser une grosse pierre au sommet d’une
colline, et ce, avec l’aide de la boisson énergisante Red Bull) et le monde du
sport (les Argonauts de Toronto, une équipe de football, portent un nom
emprunté aux héros grecs partis à la recherche de la Toison d’or).
«Les
connaissances acquises à la lecture et à l’analyse des textes fondateurs
permettra aux élèves d’enrichir leur univers culturel, de mieux comprendre les
origines de la société, de modifier leur vision du monde et de tisser des liens
riches avec d’autres textes qu’ils liront», écrit Julie-Christine Gagné dans
son mémoire. Cette dernière croit que le Québec aurait avantage à s’inspirer de
la France où l’on reconnaît la valeur culturelle, intellectuelle et historique
de ces textes. «En classe de sixième, poursuit-elle, soit l’équivalent du début
de notre niveau secondaire, quatre œuvres antiques sont au programme, dont la
Bible et l’Odyssée. En France, les textes fondateurs sont considérés comme des
référents culturels fondamentaux qui fournissent des éléments essentiels pour
la construction d’une culture commune.»
Julie-Christine
Gagné estime que les adolescents d’aujourd’hui peuvent apprivoiser l’univers
des mythes gréco-latins compte tenu qu’ils sont, pour un grand nombre d’entre
eux, déjà en contact avec des univers mythiques. « Dans leurs aventures, les
personnages littéraires Harry Potter et Amos d’Aragon exploitent des thèmes
mythiques à saveur du 20e siècle, explique-t-elle. Dans ces histoires, le héros
est en quête de sa destinée dans un climat de violence. Ce type d’histoires
fascine les enfants et les adolescents. La première qualité du texte mythique
est qu’il sollicite l’imagination. »
Dans
son mémoire, Julie-Christine Gagné propose une série d’activités concrètes pour
l’enseignement d’une version jeunesse de l’Odyssée en classe de français du
premier cycle du secondaire, soit aux élèves de 12 à 14 ans. Elle recommande
notamment aux enseignants de s’inspirer des expériences de lecture antérieures
des élèves afin de lier l’œuvre à leur actualité. Une des activités proposées
consiste à constituer un portfolio d’œuvres d’art qui, depuis l’Antiquité,
illustrent les différents épisodes du long voyage de retour d’Ulysse après la
prise de Troie. « L’éventail des activités a été validé par des
didacticiens, indique Julie-Christine Gagné. Il sera prochainement mis en ligne
sur le site www.portail-litterature.fse.ulaval.ca. »
DATE DE PUBLICATION EN LIGNE : 1er AVRIL 2009