Brève n° 253
Très gay mais trop tard. Un essai de Daniel Mendelsohn
Compte
rendu de Dominique Fernandez paru le 5 février 2009 sur Nouvelobs.com.
Publié
il y a dix ans aux États-Unis par l'auteur des Disparus, cet ouvrage sur
l'homosexualité paraît bien plat aujourd'hui.
Daniel
Mendelsohn est à la fois juif, gay et professeur de grec ancien dans une
université américaine. Un cocktail détonant, qui fait de lui l'auteur de livres
aussi différents que les Disparus, enquête sur le massacre d'une partie
de sa famille en Pologne, et cette «Etreinte fugitive», essai sur la condition
gay. Écrit il y a dix ans, il devait être excellent alors, mais il arrive trop
tard en France. Car cette question de l'identité des gays, de leur psychologie,
de leurs habitudes, de leur rôle dans la société, on a l'impression de l'avoir
déjà lue cent fois.
La
description du quartier gay de New York, minutieuse, obsessionnelle, qui ne
nous épargne ni la géographie des bars ni les rites de la drague, pourrait
s'appliquer au Marais et dégager le même ennui. Tout cela est daté, depuis que
l'assimilation est acquise - du moins aux Etats-Unis et en Europe occidentale.
Il n'y a plus de question gay, dans ces parties du monde gagnées par
l'indifférence aux types de sexualité pratiquée. Tant mieux pour le droit au
bonheur, tant pis pour une certaine catégorie d'écrits littéraires.
L'homosexualité n'est plus un territoire secret, elle est devenue aussi
fréquentée que les pentes de l'Himalaya.
Même
les réflexions plus personnelles de Mendelsohn n'apportent rien de vraiment
neuf. Constater que le sexe pour les gays peut être et se trouve être le plus
souvent distinct de l'affect, en sorte qu'il se suffit fort bien à lui-même,
sans fioritures sentimentales, est faire part d'une évidence indiscutable.
Reste
l'écriture. Son style a de l'élégance, du nerf, du brio. Et, heureusement,
l'auteur s'évade souvent de son sujet principal. Excellentes, par exemple, les
pages sur la nage, sur «le plaisir de faire quelque chose qui ressemble à un
mouvement mais qui en fait ne va nulle part». Là où Mendelsohn est le plus
attachant, c'est quand il disserte sur les littératures grecque et latine. Cet
érudit n'est jamais indigeste ni pédant. Tout ce qu'il dit de Sappho,
d'Antigone, d'Ion, de Catulle, d'Ovide est original, stimulant. Dommage que de
telles réflexions soient noyées dans ce que le progrès des mœurs et la victoire
de la tolérance ont rendu banal.
DATE DE PUBLICATION EN LIGNE : 22 AVRIL 2009