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Brève n° 257

 

Le traducteur de la Bible Henri Meschonnic est mort

 

Billet du samedi 11 avril 2009 sur http://journalchretien.net/breve16664.html

 

Le traducteur de la Bible, Henri Meschonnic est mort, est décédé mercredi à l’âge de 76 ans. Sa parfaite maîtrise de l’hébreu et du grec bibliques lui a permis de faire un profond travail de traduction des livres de l’Ancien et du Nouveau Testament.

Selon Meschonnic, le rythme est le mouvement de la parole dans l’écriture. Cette conceptualisation est une recherche des historicités comme représentations du langage et valeurs construites dans et par le discours au sens de Benveniste. La recherche de Meschonnic consiste à porter le rythme par le langage et la théorie du langage et à le défaire des représentations qui peu ou prou l’en détachent.

Meschonnic part de la recherche philologique de Benveniste qui, à partir d’Héraclite, déplatonise le rythme, c’est-à-dire le rapporte au mouvement plus qu’au schéma et permet ainsi de penser non-métriquement l’organisation du discours. Mais c’est surtout à partir de son expérience de traducteur de la Bible et de poète que Meschonnic engage une anthropologie historique du langage comme critique du rythme. C’est parce que l’hébreu biblique ne connaît pas l’opposition vers/prose, que le traducteur confronté à une recherche d’un système répondant au système accentuel de la masore (transcription réalisée par les massorètes des accents disjonctifs et conjonctifs qui organisent le rythme biblique), théorise le rythme comme sujet du poème, c’est-à-dire organisation prosodique-rythmique du texte.

On ne peut attendre d’une telle conceptualisation une quelconque grammaire du rythme, comme la stylistique universitaire l’exigerait, puisque, pour Meschonnic, le rythme c’est l’historicité même de l’écriture-lecture qui fait la valeur et la définition du poème inséparablement, y compris dans des genres discursifs ou littéraires non « poétiques ». C’est justement le point de vue anthropologique qui permet de ne pas se contenter du discontinu mais de viser le continu : la force dans le langage comme rythme-relation, passage de sujet, passage de rythme.

Cette conceptualisation du rythme dans l’œuvre de Meschonnic n’est pas donnée une fois pour toutes et c’est par d’incessantes reprises et donc de nouveaux points de vue que la notion est reprise, toujours associée dans une systématique qui tient ensemble la prosodie comme sémantique sérielle et l’éthique comme force énonciative. On a pu confondre cette théorie du rythme avec un pan-rythmique alors même que la dynamique conceptuelle a peu à voir avec la visée d’une totalisation puisqu’elle engage une théorie du langage dont le nœud rythmique est une pensée du continu (de sa veille autant que de son exigence) par l’inconnu qui ne cesse de demander et de travailler l’historicité de ses formulations et la modernité de ses reprises.

De ce point de vue, on peut dire qu’une telle théorisation n’intéresse pas que la notion ou les enjeux de cette notion mais bien plus largement « l’humaine condition » (Spinoza), ce qui demande de tenir ensemble la pensée du poème comme point critique de la pensée du langage et le poème de la pensée comme point éthique de toute épistémologie.

Henri Meschonnic a déposé ses archives à l’IMEC en 2007.

 

DATE DE PUBLICATION EN LIGNE : 22 AVRIL 2009

 

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