Brève n° 264
Catéchèse du Saint-Père : saint Germain de Constantinople
Le 29 avril 2009, un extrait du
psaume 30 a été lu avant la catéchèse du pape Benoît XVI place Saint Pierre.
Chers
frères et sœurs,
Le
patriarche Germain de Constantinople, dont je voudrais parler aujourd'hui,
n'appartient pas aux figures les plus représentatives du monde chrétien
oriental de langue grecque et toutefois son nom apparaît avec une certaine
solennité dans la liste des grands défenseurs des images sacrées, dressée lors
du Deuxième Concile de Nicée, septième concile œcuménique (787). L'Eglise
grecque célèbre sa fête dans la liturgie du 12 mai. Il eut un rôle significatif
dans l'histoire complexe de la lutte pour les images, au cours de ce qu'on a
appelé la crise iconoclaste : il sut vaillamment résister aux pressions d'un
empereur iconoclaste, c'est-à-dire adversaire des icônes, comme le fut Léon
III.
Au
cours du patriarcat de Germain (715-730) la capitale de l'empire byzantin,
Constantinople, subit un siège très dangereux de la part des Sarrasins. En
cette occasion (717-718), une procession solennelle fut organisée en ville,
avec l'ostension de l'image de la Mère de Dieu, la Theotokos, et de la relique
de la Sainte Croix, pour invoquer d'En haut la défense de la ville. De fait,
Constantinople fut libérée du siège. Les adversaires décidèrent d'abandonner
pour toujours l'idée d'établir leur capitale dans la ville symbole de l'empire
chrétien et la reconnaissance de l'aide divine fut extrêmement grande dans le
peuple.
Après
cet événement, le patriarche Germain fut convaincu que l'intervention de Dieu
devait être considérée comme une approbation évidente de la piété montrée par
la population envers les saintes icônes. Léon III, qui précisément à partir de
cette année (717) s'installa comme empereur indiscuté dans la capitale, sur
laquelle il régna jusqu'en 741, fut en revanche d'un avis entièrement
différent. Après la libération de Constantinople et après une série d'autres victoires,
l'empereur chrétien commença à manifester toujours plus ouvertement la
conviction que la consolidation de l'empire devait précisément commencer par
une réorganisation des manifestations de la foi, avec une référence
particulière au risque d'idolâtrie auquel, à son avis, le peuple était exposé
en raison du culte excessif des icônes.
Les
appels du patriarche Germain à la tradition de l'Eglise et à l'efficacité
réelle de certaines images, qui étaient unanimement reconnues comme «
miraculeuses » ne servirent à rien. L'empereur devint toujours plus
inébranlable dans l'application de son projet restaurateur, qui prévoyait
l'élimination des icônes. Et lorsque, le 7 janvier 730, il prit ouvertement
position lors d'une réunion publique contre le culte des images, Germain ne
voulut en aucune façon se plier au désir de l'empereur sur des questions qu'il
considérait déterminantes pour la foi orthodoxe, à laquelle selon lui
appartenait précisément le culte, l'amour pour les images. Il se vit donc
contraint de donner sa démission de patriarche, en s'auto-condamnant à l'exil
dans un monastère où il mourut oublié de presque tout le monde. Son nom
réapparut précisément à l'occasion du Deuxième Concile de Nicée (787), lorsque
les pères orthodoxes se proclamèrent en faveur des icônes, reconnaissant les
mérites de Germain.
Le
patriarche Germain soignait beaucoup les célébrations liturgiques et, pendant
un certain temps, il fut considéré également comme l'instaurateur de la fête de
l'Akatistos. Comme on le sait, l'Akatistos est un hymne ancien et célèbre né
dans le milieu byzantin et consacré à la Theotokos, la Mère de Dieu. Bien que
du point de vue théologique on ne puisse pas qualifier Germain de grand
penseur, plusieurs de ses œuvres eurent un certain retentissement en
particulier en raison de certaines intuitions sur la mariologie. En effet, de
lui ont été conservées plusieurs homélies de thème marial et certaines d'entre
elles ont profondément marqué la piété de générations entières de fidèles,
aussi bien en Orient qu'en Occident. Ses splendides Homélies sur la
Présentation de Marie au Temple sont des témoignages encore vivants des
traditions non écrites des Eglises chrétiennes. Des générations de moines, de
moniales et de membres de très nombreux Instituts de vie consacrée, continuent
encore aujourd'hui à retrouver dans ces textes des trésors très précieux de
spiritualité.
Certains
textes mariologiques de Germain, qui font partie des homélies prononcées In SS.
Dei parae dormitionem, une festivité correspondant à notre fête de
l'Assomption, suscitent encore l'émerveillement. Parmi ceux-ci, le pape Pie XII
en préleva un, qu'il enchâssa comme une perle dans la Constitution apostolique
Munificentissimus Deus (1950), avec laquelle il déclara le dogme de foi de
l'Assomption de Marie. Pie XII cita ce texte dans la Constitution
susmentionnée, en le présentant comme l'un des arguments en faveur de la foi
permanente de l'Eglise à propos de l'Assomption corporelle de Marie au ciel.
Germain écrit : « Cela pouvait-il jamais arriver, Très Sainte Mère de Dieu, que
le ciel et la terre se sentent honorés de ta présence, et que toi, avec ton
départ, tu laisses les hommes privés de ta protection ? Non. Il est impossible
de penser ces choses. En effet, de même que lorsque tu étais dans le monde tu
ne te sentais pas étrangère aux réalités du ciel, ainsi, après que tu sois
partie de ce monde, tu n'es pas du tout devenue étrangère à la possibilité de
communiquer en esprit avec les hommes... Tu n'as pas du tout abandonné ceux
auxquels tu as garanti le salut... en effet, ton esprit vit pour l'éternité et
ta chair ne subit pas la corruption du sépulcre. Toi, ô Mère, tu es proche de
tous et tu protèges chacun et, bien que nos yeux ne puissent pas te voir, nous
savons toutefois, ô Très Sainte Mère, que tu habites parmi nous et que tu es
présente selon les manières les plus diverses... Toi (Marie) tu te révèles
entièrement, comme il est écrit, dans ta beauté. Ton corps virginal est
totalement saint, tout chaste, entièrement une maison de Dieu si bien que,
également pour cette raison, il est absolument réfractaire à toute réduction en
poussière. Celui-ci est immuable, du moment que ce qui était humain en lui a
été assumé dans l'incorruptibilité, restant vivant et absolument glorieux,
intact et participant à la vie parfaite. En effet, il était impossible que soit
gardée dans le sépulcre des morts celle qui était devenue vase de Dieu et
temple vivant de la très sainte divinité du Fils unique. D'autre part, nous
croyons de manière certaine que tu continues à marcher avec nous » (PG 98,
coll. 344B-346B, passim).
Il
a été dit que pour les Byzantins, la dignité de la forme rhétorique dans la
prédication, et encore davantage dans les hymnes ou compositions poétiques
qu'ils appellent tropaires, est tout aussi importante pour la célébration
liturgique que la beauté de l'édifice sacré dans laquelle celle-ci se déroule.
Le patriarche Germain a été reconnu, dans cette tradition, comme l'un de ceux
qui ont particulièrement contribué à garder cette conviction vivante, c'est-à-dire
que beauté de la parole, du langage et beauté de l'édifice et de la musique
doivent coïncider.
Je
cite pour conclure, les paroles inspirées avec lesquelles Germain qualifie
l'Eglise au début de son petit chef-d'œuvre : « L'Eglise est temple de Dieu,
espace sacré, maison de prière, convocation du peuple, corps du Christ... Elle
est le ciel sur la terre, où Dieu transcendant habite comme chez lui et s'y
promène, mais elle est également une empreinte (antitypos) de la crucifixion,
de la tombe et de la résurrection... L'Eglise est la maison de Dieu dans
laquelle on célèbre le sacrifice mystique vivifiant, à la fois la partie la
plus intime du sanctuaire et la grotte sainte. Dans celle-ci, en effet, se
trouve le sépulcre et la table, nourritures pour l'âme et garantie de vie. Dans
celle-ci, enfin, se trouvent les véritables perles précieuses que sont les
dogmes divins de l'enseignement offert directement par le Seigneur à ses
disciples » (PG 98, coll. 384B-385A).
A
la fin demeure la question : aujourd'hui, qu'est-ce que ce saint peut nous
dire, alors qu'il est chronologiquement et également culturellement assez
éloigné de nous. Je pense en substance trois choses. La première : il y a une
certaine visibilité de Dieu dans le monde, dans l'Eglise, que nous devons
apprendre à percevoir. Dieu a créé l'homme à son image, mais cette image a été
couverte par les nombreuses saletés du péché, en conséquence desquelles Dieu ne
transparaissait presque plus. Ainsi, le Fils de Dieu s'est fait vrai homme,
image parfaite de Dieu : dans le Christ nous pouvons ainsi contempler également
le visage de Dieu et apprendre à être nous-mêmes de vrais hommes, de vraies
images de Dieu. Le Christ nous invite à l'imiter, à devenir semblables à Lui,
afin qu'en chaque homme transparaisse le nouveau visage de Dieu, l'image de
Dieu. En vérité, Dieu avait interdit dans le Décalogue de faire des images de
Dieu, mais cela en raison de la tentation d'idolâtrie à laquelle le croyant
pouvait être exposé dans un contexte païen. Mais quand Dieu s'est rendu visible
en Christ à travers l'incarnation, il est devenu légitime de reproduire le
visage du Christ. Les images saintes nous enseignent à voir Dieu dans la
représentation du visage du Christ. Après l'incarnation du Fils de Dieu, il est
donc devenu possible de voir Dieu dans les images du Christ et également dans
le visage des saints, dans le visage de tous les hommes en qui resplendit la
sainteté de Dieu.
La
deuxième chose est la beauté et la dignité de la liturgie. Célébrer la liturgie
avec la conscience de la présence de Dieu, avec cette dignité et cette beauté
qui en fasse voir un peu la splendeur, c'est l'engagement de chaque chrétien
formé dans sa foi. La troisième chose est aimer l'Eglise. Précisément à propos
de l'Eglise, nous les hommes sommes enclins à voir surtout les péchés, ce qui
est négatif ; mais avec l'aide de la foi, qui nous rend capables de voir de
manière authentique, nous pouvons également, aujourd'hui et toujours,
redécouvrir dans celle-ci la beauté divine. C'est dans l'Eglise que Dieu est
présent, s'offre à nous dans la Sainte Eucharistie et reste présent pour
l'adoration. Dans l'Eglise, Dieu parle avec nous, dans l'Eglise « Dieu se
promène avec nous », comme le dit saint Germain. Dans l'Eglise nous recevons le
pardon de Dieu et nous apprenons à pardonner.
Prions
Dieu afin qu'il nous enseigne à voir dans l'Eglise sa présence, sa beauté, à
voir sa présence dans le monde, et qu'il nous aide à être nous aussi
transparents sous sa lumière.
(Trad.
ZF09042906)
Résumé
de la Catéchèse lu par le pape Benoît XVI aux pèlerins francophones
Chers
Frères et Sœurs,
Le
Patriarche Germain de Constantinople eut un rôle significatif, au huitième
siècle, durant la crise iconoclaste. Il sut résister aux pressions de l’empereur
Léon III qui était convaincu que le redressement de l’Empire devait commencer
par une réorganisation des manifestations de la foi, face au risque d’idolâtrie
auquel, selon lui, le peuple était exposé en raison d’un culte excessif des
icônes. Les rappels du Patriarche Germain à la tradition de l’Eglise et à
l’efficacité d’images reconnues comme « miraculeuses », ne servirent à rien.
L’Empereur demeura inébranlable. Et quand le 7 janvier 730 celui-ci prit
position contre le culte des images, Germain ne voulut pas se plier à sa
volonté sur des questions qu’il considérait déterminantes pour l’orthodoxie de
la foi. En conséquence il dut démissionner et s’exiler dans un monastère où il
mourut oublié de presque tous. Son nom réapparut à l’occasion du second Concile
de Nicée en 787, lorsque les Pères orthodoxes en reconnurent les mérites.
Le
Patriarche Germain a porté un grand soin aux célébrations liturgiques.
Certaines de ses œuvres sont connues surtout en raison de ses intuitions sur la
mariologie. Plusieurs de ses splendides homélies mariales ont profondément
marqué la piété de générations de fidèles en Orient et en Occident et elles ont
encore beaucoup à nous dire aujourd’hui.
Le
pape Benoît XVI conclut : Je suis heureux d’accueillir les pèlerins francophones.
Je salue particulièrement les jeunes lycéens du diocèse d’Ajaccio, avec leur
Évêque Mgr Jean-Luc Brunin. Que votre pèlerinage aux tombeaux des Apôtres
Pierre et Paul soit pour vous tous l’occasion de faire grandir votre foi dans
le Christ ressuscité ! Avec ma Bénédiction apostolique !
DATE DE PUBLICATION EN LIGNE : 14 MAI 2009