Brève n° 274
Iphigénie à Aulis
d’Euripide en plein air à Lyon
En date
du jeudi 4 juin 2009, une critique de Lison Crapanzano sur www.lestroiscoups.com.
Bienvenue
à Athènes ! « Iphigénie à Aulis » ou comment jouer au XXe siècle une pièce
grecque écrite et représentée à Athènes au Ve siècle avant notre ère… Une pièce
dont la traduction et la mise en scène permettent d’apprécier la valeur
universelle et de nous interroger sur des notions qui raisonnent encore – oh
combien ! – à l’époque contemporaine : la gloire, le sacrifice, le patriotisme,
le mensonge, l’amour filial d’un père et celui d’une mère, l’héroïsme juvénile…
La
tragédie dont il est question ici met en scène le mythe du sacrifice
d’Iphigénie. L’action se situe à Aulis, dans le camp militaire grec, devant le
baraquement du roi et chef de guerre Agamemnon. Ce dernier a rassemblé ses
troupes pour partir à Troie et ramener Hélène, la femme de son frère Ménélas,
enlevée par Pâris. Cependant, l’absence de vent empêche l’armée de prendre la
mer. Le devin Calchas dévoile que la déesse Artémis exige, pour rendre la
liberté aux navires, qu’auparavant lui soit sacrifiée la fille d’Agamemnon,
Iphigénie. Le roi envoie donc une missive à sa femme, Clytemnestre, pour
qu’elle amène Iphigénie, en prétextant le mariage de sa fille à Achille, l’un
des chefs de l’armée. Dès lors, « laissons faire le destin »…
C’est
une pièce « classique », dans toutes les acceptions du terme : un texte d’une
riche qualité (l’auteur n’est autre que le dramaturge grec Euripide, champion
de la tragédie athénienne), un texte qui sert de modèle (Rotrou, Racine et
Goethe ont chacun leur Iphigénie) et, enfin, un texte qui est digne d’être
enseigné et transmis (c’est Estelle Baudou, étudiante en lettres classiques qui
a entrepris sa traduction). Classique… Ou plutôt « antique »… Imaginez que
cette pièce soit montée par des anciens élèves de classes préparatoires
hellénistes et amoureux du théâtre… Imaginez des comédiens chaussés de simples
sandales, revêtus de longues robes et portant des masques… Imaginez un chœur de
comédiennes qui allie le chant à la danse… Alors, vous aurez un aperçu de ce
spectacle au sens où les Anciens l’entendaient : un spectacle total, où texte
déclamé jouxte texte chanté et accompagné de notes de musique, où pas posés
avoisinent pas de danse… Un spectacle qui, comme dans l’Antiquité, est gratuit
: le théâtre faisait partie intégrante de la démocratie, et tous les citoyens y
allaient ensemble !
La
mise en scène est semblable à celle d’un spectacle de théâtre grec antique.
Tout d’abord, le spectacle a lieu en plein air. Ensuite, ce sont trois
comédiens masqués qui se partagent l’ensemble des rôles de la pièce, masculins
comme féminins : le port du masque rend possible le changement de rôle,
puisqu’il identifie le personnage. Les scènes purement théâtrales alternent
avec les interventions d’un chœur qui chante en exécutant des figures de danse.
À cet égard, les choreutes sont accompagnés d’un hautbois qui constitue le
substitut de l’aulos* antique. Enfin, les comédiens de ce spectacle sont des
amateurs, à l’image des comédiens athéniens qui ne connurent la
professionnalisation que tardivement.
Néanmoins,
un parti pris résolument moderne a été engagé en ce qui concerne les chants du
chœur. Dans l’Antiquité, en effet, les membres du chœur chantaient en général à
l’unisson, accompagné par l’aulos. Or, dans cette mise en scène, les huit
choreutes – sopranos et altos – chantent l’un après l’autre, puis par deux,
dans une alternance qui dynamise le spectacle, pour en arriver progressivement
à chanter à l’unisson. Cette modernité permet aux spectateurs d’adhérer plus
encore, s’il en était besoin, à la représentation.
L’auditoire
est pleinement intégré au spectacle. Tout d’abord parce qu’Euripide recourt à
l’ironie tragique lorsque Clytemnestre parle de sacrifice à Agamemnon sans
savoir qu’il s’agit de celui de sa propre fille, alors que le public, lui, est
dans la confidence. Ensuite, lors de répliques, toujours contemporaines, qui
entraînent les (sou)rires de l’assistance : « Il est naturel d’être mal à
l’aise quand on rencontre ses beaux-parents » ! Enfin, la peinture des
sentiments qui disloquent les êtres est formidablement rendue : par les discours
contradictoires de ce père qui aime sa fille, mais qui se voit contraint de la
sacrifier ; par Ménélas qui finit par refuser le sacrifice de sa nièce par
amour de son frère déchiré ; par la douleur de cette mère confrontée à la perte
prochaine de sa fille. Mais, surtout, par l’héroïsme de cette jeune fille qui
finit par accepter de « donner [s]on corps à la Grèce ».
Alors,
à tous les citoyens du XXe siècle : réjouissez-vous et bon spectacle ! ¶
*
L’aulos (en grec ancien aulós) est un ancien instrument de musique à vent
utilisé notamment en Grèce antique. Le musicien est appelé un aulète. Le terme
aulos est traditionnellement traduit par « flûte (double) », mais il est plus
proche du hautbois. Il est composé d’un double tuyau percé de trois ou six
trous et doté d’une anche double. Il est fabriqué en roseau, en bois ou même en
ivoire. Il s’oppose au flageolet des bergers, la syrinx, qui ne possède pas
d’anche ; on le qualifie donc parfois de flûte noble. Sa sonorité est
aigrelette.
Traduction
et mise en scène : Estelle Baudou
Assistant
à la mise en scène : Matthieu Birken
Avec
: Antoine Amblard, Benjamin Camard, Hélène Camard, Claudine Charnay, Élise
Clarac-Hordé, Nathalie de Biasi, Damien Giros, Mathilde Hug, Sylvain Menges
,Camille Neymarc, Chloé Richer, Camille Soulerin
Musique
originale : Noémie Brodier
Chorégraphie
: Tamara Maes
Costumes
: Louise Buchaillard
Masques
: Marion David
Durée
: 1 h 45
Entrée
libre
Le
7 juin 2009 à 17 heures sur le quai Joseph-Gillet à Lyon, bas port (à droite de
la passerelle Mazaryk)
Le
18 juin 2009 à 19 h 30 au parc de la mairie du 5e arrondissement, 14, rue Docteur-Edmond-Locard
à Lyon
Le
20 juin 2009 à 19 heures sur le campus de l’École normale supérieure LSH (métro
Debourg) à Lyon
Réservations
: iphigeniereservation@laposte.net
DATE DE PUBLICATION EN LIGNE : 14 JUIN 2009