Brève n° 278
Descoings hellénophobe
Extrait
d’un entretien honteux au Bondy Blog (propos recueillis par Inès El laboudy,
Mehdi Meklat, Antoine Menusier et Badroudine Saïd Abdallah) publié le 25 mai
2009, peu avant la remise du rapport du même nom, et paru par exemple dans 20minutes.bondyblog.fr/news/200905250001/richard-descoings-non-je-ne-serai-pas-ministre-de-l-education-nationale
Des lycées se sont rebellés contre la mort des options, toujours
en série L. Par exemple, nous (Mehdi et Badroudine, ndlr), sommes inscrits en
option « histoire de l’art » au lycée de Saint-Ouen. Or les options
rares, comme la nôtre, avec le latin et le grec, sont menacées de disparition,
ce qui signifierait une perte sèche de culture, à laquelle, pourtant, nous
avons droit. Que répondez-vous à cela ?
On va donc remettre du
latin et grec pour tout le monde en France ? On va retourner au lycée d’il y a 50 ans ? Arrêtez ! Ce n’est pas possible.
Vous partagez donc, sur ce
point, l’esprit de la réforme que
Xavier Darcos souhaitait mettre en œuvre, qui prévoyait un renforcement du
français au détriment, précisément, de ces options dites rares ?
Ça vous paraît choquant de
renforcer le français ? La principale source d’inégalités des jeunes face au lycée, ce sont les classes à 35
élèves, dans lesquelles se retrouvent les enfants des familles des classes
populaires. Chaque fois qu’on a pu, on a multiplié les
options et les différenciations des voies. Or plus vous différenciez les
parcours, plus vous créez l’inégalité. Il y a un développement des options, porté
par les classes dirigeantes, porté à juste titre par les milieux intellectuels.
Jacqueline de Romilly, de l’Académie française, appelle tous les
deux ou trois ans au retour du grec, qui est une merveilleuse façon,
effectivement, d’ouvrir l’esprit vers la culture. Mais, quitte à
me fâcher avec les élites, je le dis tout de suite : on ne reviendra pas
au grec ancien pour les lycéens. Veut-on plus d’égalité pour tous ou plus de choix pour
certains ? Plus de réussite pour tous ou plus de réussite pour une petite
proportion des jeunes Français ?
Où vous situez-vous dans la
querelle des « anciens et des modernes » qui s’opposent sur la façon d’enseigner la
littérature ?
Tous les jeunes peuvent
découvrir la littérature. Mais pour avoir accès à la littérature, il faut
maîtriser les fondamentaux du français, et cela vaut pour toute littérature et
toute langues étrangères. Ce que je veux dire, c’est que parfois, chez certains jeunes, l’enseignement traditionnel du « Cid » ou de
« Phèdre », ça ne passe pas. Ils décrochent. En revanche, si on leur
permet de jouer cette pièce, dans le cadre d’un atelier théâtre, par
exemple, le goût de la littérature revient.
On est dans « L’esquive », le film d’Abdellatif Kechiche.
Oui, mais pourquoi
pas ? Je me méfie de l’idée qu’il y aurait différents niveaux d’acquisition intellectuelle et je me méfie de l’idée que tout le monde doit marcher du même pas militaire du lycée
napoléonien pour découvrir les bonheurs des textes français.
80 000 postes de fonctionnaires
de l’éducation nationale doivent
être supprimés d’ici à 2012. Qu’en pensez-vous ?
Il y a effectivement des
engagements du candidat Nicolas Sarkozy de diminuer le nombre des emplois
publics en France. Il a été élu en partie là-dessus. Cela ne plaît pas à une
partie de l’éducation nationale, comme
chacun a pu s’en apercevoir. J’ai été le conseiller à l’éducation d’un ministre du budget, Michel Charasse, puis le conseiller
budgétaire d’un ministre de l’éducation nationale, Jack Lang, à une époque de croissance
économique forte et où le budget de l’éducation nationale était
entre + 8 et + 12% par an. Pour un conseiller budgétaire, c’était le rêve. Et on créait de l’emploi, et on créait de l’emploi…
Que cherchez-vous à
dire ?
Si le budget était le moyen de rétablir
l’égalité
des chances dans l’éducation nationale, on le saurait. Un, c’est très facile de faire enfler la
rumeur sur le nombre de postes qu’on va supprimer, et deux, de faire l’unité dans l’opposition pour dire que c’est cela qu’il faut empêcher.
DATE DE PUBLICATION EN LIGNE : 14 JUIN 2009