Brève n° 312
L’avarice en français et en grec moderne
Chronique d’Hind Boughedaoui sur le site du Petit
Journal d’Athènes, le vendredi 16 octobre 2009.
Les sept péchés capitaux ont très clairement
stigmatisé l’avarice. Pour beaucoup elle fait partie des comportements
rédhibitoires que la société juge très sévèrement. La langue participe aussi de
cette répression en inventant des expressions souvent très drôles…
Tout
d’abord, « Il pleure le pain qu’il mange » est une expression
d’origine populaire extrêmement facile à comprendre, qui fait sourire par le
ridicule de la situation. De cette dernière découle aussi l’expression « c’est
un pleure-misère » ou un « c’est un pleure-pain ». On peut
également appeler un avare un « rat ». Cet animal dégoûte, tout comme
l’avarice. Il peut aussi être caractérisé comme un « fesse-Matthieu ».
Saint Matthieu, qui était un percepteur d’impôts avant de devenir un des douze
apôtres, était le saint patron des usuriers, des percepteurs. On comprend
facilement qu’une personne avare ait une aversion caractérisée pour les
représentants de cette profession. Enfin, « Avoir des oursins dans les
poches », probablement l’expression la plus connue, est d’origine incertaine,
peut-être vient-elle du Sud de la France du fait de l’influence de la mer.
Il ne donne même pas d'eau à son ange !
Le
grec, quant à lui, possède la même référence maritime pour des raisons
évidentes. Mais au lieu d’oursins il préfère les crabes : « έχει
καβούρια στις
τσέπες » (exei kavouria stis tsepes), soit «
il a des crabes dans ses poches ». L’image parle d’elle-même ! Le grec se mêle
aussi de religion à sa manière et l’expression utilisée fait indubitablement
sourire : "Δε δίνει
ούτε στον άγγελό
του νερό" (dev dinei oute stov
aggelo tou nero), soit en français « il ne donne même pas d’eau à son ange ».
Jolie phrase pour un résultat plus qu’explicite !
Enfin,
le grec va encore plus loin dans l’humour noir lorsqu’il dit « Τα
σάβανα δεν
έχουν τσέπες » (ta
savana den exoun tsepes), c’est-à-dire littéralement « le linceul n’a pas de
poches ». En effet, à quoi bon être près de ses sous puisque l’on n’emporte
rien avec nous quand l’heure est venue.
DATE DE PUBLICATION EN LIGNE : 11 NOVEMBRE 2009