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Brève n° 310

 

De l’inertie franco-grecque

 

Chronique d’Hind Boughedaoui sur le site du Petit Journal d’Athènes, le vendredi 30 octobre 2009.

 

Tous les amateurs de la procrastination vous le diront, pourquoi effectuer une tâche aujourd’hui si on peut la remettre au lendemain, voire à jamais ! Tout le monde "procrastine" un peu, des expressions se devaient donc d’illustrer cette tendance

Le français propose une variété intéressante d’expressions pour illustrer la tendance qui consiste à remettre des activités ou une tâche à une date très hypothétique, voire à jamais ! La plus connue, et sûrement la plus explicite, met en scène un gallinacé : "quand les poules auront des dents". "La semaine des quatre jeudis" ou encore "à la Saint-Glinglin" sont également communément utilisées pour exprimer un événement qui n’arrivera probablement jamais. Enfin, l’expression "remettre aux calendes grecques" proviendrait de la période antique romaine. En 46 av. J.-C., le calendrier julien remplace le romain pour être plus en accord avec le mouvement des astres. Les calendes désignaient alors le premier jour de chaque mois, à l’occasion duquel les débiteurs devaient payer leurs dettes. Les Grecs quant à eux continuaient à utiliser leur calendrier, sans calendes. Cette expression aurait donc été introduite pour désigner l’improbable date de remboursement des débiteurs insolvables.

Le grec utilise, probablement pour des raisons similaires, la même expression qu’en français : "παραπέμφθηκε στις ελληνικές καλένδες" (parapemthike stis ellinikés kaléndes), soit « remis aux calendes grecques ». Le proverbe "στον αιώνα τον άπαντα" (ston éona ton apanda), soit "au siècle qui n’arrivera jamais" illustre dans le même esprit l’inaction et inscrit la passivité dans la durée.

Enfin, empreintes du même goût pour l’inertie, les expressions « μόνο του σπανού τα γένια δε γίνονται » (mono tou spanou ta génia de yinondai), que l’on pourrait traduire par "Il n'y a que la barbe des glabres qui ne poussera jamais", sous entendu « Ils n'y a que les montagnes qui ne se rencontrent pas" ou encore « Το μήνα που δεν έχει σάββατο » (to mina pou then exei savato), soit "le mois sans samedi", viennent enrichir de manière très imagée et humoristique la langue.

PS : On pourrait peut-être ajouter l'expression « sta kapna » (autrement dit « après la récolte du tabac »), utilisée couramment en Thrace, ainsi que, d'un niveau de langue plus populaire, « otan pahainoun oi mugues »(ce qui revient à dire « à la saison des mouches grasses »).

 

DATE DE PUBLICATION EN LIGNE : 11 NOVEMBRE 2009

 

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